Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)


Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).

To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!


Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.


I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.

Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).

I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...

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Prélèvements "à coeur arrêté" et acceptation sociétale (suite)

Ce Blog Post constitue la suite de celui écrit en octobre 2007 (lire)

Le 7 février 2008 avait lieu la conférence : "La greffe du visage : du débat éthique à la réalité chirurgicale" (Petit-amphithéâtre de la Faculté de médecine, Strasbourg). Organisateur : Centre Européen d’Enseignement et de Recherche en Éthique (Site : ethique-alsace.com).
==> Visionner la conférence : clic.

Lors de sa présentation à cette conférence, le Professeur Laurent Lantieri, Professeur de chirurgie plastique, CHU Henri-Mondor (Paris), l'un des pionniers de la greffe de la face en France, a fait la remarque suivante sur les prélèvements d'organes "à coeur arrêté" :


"Le prélèvement à coeur arrêté, c'est un patient qui fait un arrêt cardiaque, que l'on maintient en arrêt cardiaque et que l'on refroidit, dans l'éventualité de faire un prélèvement d'organes. Il y a une difficulté : il y a un conflit avec le fait qu'on pratique un massage cardiaque pour faire repartir le coeur du patient : on se retrouve parfois dans un conflit entre les deux [intention de soin et intention de prélèvement d'organes, ndlr.], et je ne suis pas sûr qu'on ait bien prévenu la population du fait que quand on pratique un massage cardiaque sur une personne au bord de la route et qu'un SAMU arrive, ça peut aussi bien être pour le réanimer que, en cas d'échec de la réanimation, pour prélever les organes. Cela me pose problème, alors que je suis tout à fait pour le prélèvement à coeur arrêté. Mais je pense qu'il faut prévenir la population de cette particularité. Sinon, on risque de se retrouver avec des patients qui porteront des bracelets, comme les Américains. 'Do Not Ressuscitate' : 'je ne veux pas qu'on me réanime'. Cela risque d'être, à mon avis, un vrai problème."

L'Espace Ethique de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP) conduit actuellement un projet de recherche sur les prélèvements d'organes "à coeur arrêté". Au cours de la réunion du 19 février 2008 (compte-rendu), les équipes de réanimation ont exposé des situations qui "illustrent (...) la complexité de la notion du 'mourir' et de ce qui peut échapper finalement aux efforts de maîtrise pour la définir. (...)." En effet, le cas d'un patient à réanimer, qui est devenu un donneur d'organes potentiel (suite à échec des tentatives de réanimation), puis à nouveau patient à réanimer (la réanimation ayant finalement fonctionné), a été évoqué. Il existe donc bel et bien des patients chez lesquels, après le constat de leur décès suite à échec des tentatives de réanimation, on constate néanmoins la reprise d'une activité cardiaque !

Des exemples de "reprise d'une activité cardiaque après constat d'arrêt pendant 5 mn [il s'agit du constat de décès suite à 5 mn d'inactivité du coeur après arrêt des tentatives de réanimation, ndlr.] montrent l'incomplétude de nos approches." En effet, "l'irréversibilité de l'arrêt cardiaque, affirmée pendant un temps, s'est trouvée contredite - à un moment où il était devenu par construction déraisonnable de poursuivre une réanimation." (p. 14).

Le compte-rendu de cette même réunion aborde le problème suivant : comment devient-on "donneur potentiel 'à coeur arrêté' : la complexité d'un moment médical et social de la mort" : [p. 16 :] un intervenant fait remarquer que "(...) nous sommes tous virtuellement donneurs potentiels, dès lors que nous sommes chacun sujet à une possible mort subite." D'autre part, le consentement présumé est inscrit dans la loi : nous sommes tous des donneurs d'organes présumés. Etre en possession d'une carte de donneur ou non n'y change rien. "Cette vue d'amont renvoie à la perception plus générale par la société de la mort, du don d'organes, et des pratiques de prélèvement 'à coeur arrêté'."

Dès lors se pose la question du discours public sur le prélèvement d'organes "à coeur arrêté". Pour le moment, il n'existe pas de communication publique sur le sujet. Or des prélèvements "à coeur arrêté" ont été effectués depuis 2006, il a donc bien fallu demander le "consentement éclairé" (inscrit dans la loi) du donneur potentiel, ou, à défaut, le témoignage des proches sur ce consentement. On comprend bien que dans de telles conditions, le consentement éclairé ne signifie pas grand-chose. Rappelons qu'en 8 mois de pratique au CHU Saint-Louis (Paris), 36 donneurs ont été "accueillis", 28 reins prélevés, 15 greffes réalisées (source p. 14).

Le document de la réunion du 19 février 2008 [p. 17] constate que "la complexité du sujet est telle qu'il semble délicat de définir en quoi consisterait une information juste du public sur ces enjeux - un médecin ajoute que la communication, en interne, avec les professionnels à cet égard s'avère déjà assez difficile."

Présentation du projet du groupe de travail de l'Espace Ethique :

"Après un an d’expérience en France, un groupe de travail constitué principalement de professionnels impliqués sur le terrain (notamment SAMU/SMUR/Pompiers, Réanimation/Réveil, Coordinations hospitalières de prélèvements d’organes et de tissus, Agence de la biomédecine) est constitué au sein de l’Espace éthique / AP-HP avec pour objectif d’approfondir une réflexion sur les enjeux éthiques identifiés par les acteurs de ces pratiques. La phase 'pilote' ou 'expérimentale' d’une technique nouvelle de prélèvement d’organe dite 'à cœur arrêté' a débuté en France. Une dizaine de centres de transplantation sont concernés, et la première transplantation utilisant cette technique a eu lieu le 21 octobre dernier, sans écho dans les médias."

Argumentaire :
"Les exigences spécifiques de prélèvement d’organes avec donneur à 'cœur arrêté' font émerger des questions devant faire l’objet de développements et d’approfondissement :
- Comment réfléchir l’accompagnement et le recueil du témoignage des proches de la personne décédée, quand le temps imparti à cette démarche est considérablement restreint par la nécessité de mettre en place des moyens de conservation des organes ?
- Quelles sont les conditions de respect du corps de la personne juste après son décès lorsqu’on pratique sur lui des gestes techniques invasifs ?
- Comment envisager une pédagogie spécifique du grand public que suppose la notion de 'consentement présumé' au don d’organes ?
Une réflexion éthique sur les pratiques qui entourent le prélèvement, et les modalités de mise en œuvre cohérente et respectueuse des principes affirmés par notre société semble aujourd’hui indispensable."


Réunions et compte-rendus :
1.-) Réunion du 27 novembre 2007 :
Axes de travail identifiés :
"Cette première réunion permet de dégager six axes de travail pouvant faire l’objet d’approfondissement par le groupe lors des prochaines réunions :

- Relation et communication avec les proches de la personne décédée
- Définition de la mort, conviction du décès, constat du décès, intentions thérapeutiques
- Pratiques actuelles et recherche sur la réanimation médicalisée de l’arrêt cardiaque en milieu extra-hospitalier
- Accueil et dialogue avec les proches à l’hôpital dans le contexte d’un prélèvement à coeur arrêté
- Présentation du corps de la personne aux proches
- Information de la société dans son ensemble"

==> Télécharger le compte-rendu de la réunion (format PDF)

2.-) Réunion du 8 janvier 2008 :
Synthèse :
"La seconde réunion du groupe de travail multidisciplinaire 'coeur arrêté'
évoque le statut de la personne pendant et après réanimation. Cette question interroge directement nos définitions de la mort, orientant directement le travail de la réunion suivante sur le thème suivant : A quel moment devient on donneur potentiel ? La réunion permet également de faire le point sur une situation complexe de coexistence, en certains endroits du territoire français, de possibilité de prélèvement sur patients à cœur arrêté en vue du don d’organes, et de possibilité d’utilisation des mêmes techniques nouvelles ( ECMO, ECLS) en vue d’une réanimation en cas d’échec de la réanimation conventionnelle. Cette coexistence, en contexte de recherche médicale formalisée ou non rend la clarification des critères d’inclusion absolument nécessaire."


==> Télécharger le compte-rendu de la réunion (format PDF)

3.-) Réunion du 19 février 2008 :
Synthèse :
"La réunion du 19 février, dont l’objet était de savoir comment on devient donneur potentiel, a été fortement marquée par l’expérience clinique récente d’une des équipes impliquées dans notre réflexion, que nous exposons dans le présent résumé. L’analyse de ce cas clinique sur le plan éthique ; un travail de distinction entre arrêt de soins et arrêt de réanimation, et efficacité ou inefficacité de la réanimation ; la complexité du moment médical et social de la mort et un rappel des enjeux de communication sont les points principaux de la réflexion du groupe de travail à cette date."


==> Télécharger le compte-rendu de la réunion (format PDF)

Source :
http://www.espace-ethique.org/fr/transplantations.php

Les problèmes de l'industrialisation du don d'organes

Dans cet article, nous évoquerons les problèmes qui peuvent naître d'une logique d'augmentation des dons d'organes dans un contexte où le temps est parfois compté et les conséquences d'un interventionnisme excessif. Nous reviendrons sur l'actualité des recherches sur les cellules souches embryonnaires obtenues à partir de cellules adultes : quel est leur potentiel thérapeutique, et plus particulièrement leur utilité pour les transplantations ? Les cellules souches sont la boîte à outil de la médecine régénératrice de demain, celle qui permettrait de régénérer nos organes. Une solution aux problèmes que pose l'industrialisation du don d'organes ?

==> Lire cet article sur AgoraVox : cliquer ici.

Des cellules souches pour régénérer des organes :
Le 20/11/2007 a été un grand jour pour les espoirs que représentent les cellules souches (pouvoir un jour réparer les organes sans avoir recours aux transplantations d’organes, en tout cas pour les petits organes) : on peut désormais créer des cellules souches humaines pluripotentes (qui peuvent se transformer en différents organes, à condition d’être éduquées) à partir de cellules adultes, et non de cellules embryonnaires (ce qui posait des problèmes d’éthique). Quant au clonage (dit "transfert nucléaire" en termes savants, pour ménager l’opinion publique effrayée à la perspective du clonage humain) : cette piste est abandonnée : le père de Dolly, la brebis clonée, s’intéresse désormais aux cellules souches et non plus au clonage. Espérons que les cellules souches du sang de cordon, de la peau et du liquide amniotique, dont on commence à découvrir le potentiel thérapeutique, tiendront leur promesse. Quel est le danger ? "L'origine des cancers, ce sont les cellules souches. Si chacune de nos cellules est immortelle, si nous avons en permanence des cellules souches capables de proliférer, alors le risque qu'émerge un cancer est très grand." (Professeur Axel Kahn). Eduquer les cellules souches pour qu'elles parviennent à régénérer des organes sans occasionner un cancer, et sans la nécessité d'utiliser de dangereux rétrovirus dans le processus de régénération, voilà les enjeux de la recherche actuelle.

==> Le Figaro Sciences (22/11/2007) : "Des cellules souches obtenues sans embryon" (lire)

Explosion du nombre de patients inscrits en liste d'attente afin de recevoir un greffon entre 2005 et 2006 :
On peut lire sur le site de France ADOT : "Chaque année, le nombre de personnes inscrites en liste d’attente est plus élevé (+ 4 pour cent en 2006) et le décalage entre le nombre de nouveaux inscrits (5 433 en 2006) et le nombre de greffes réalisées reste important (...). En 2006, 12.411 personnes ont eu besoin d’une greffe d’organe. En effet, le nombre de patients restant inscrits en liste d’attente au 31 décembre 2005 était de 6.978, auxquels se sont ajoutés 5.433 patients nouvellement inscrits sur la liste nationale d’attente au cours de l’année." D'après ces chiffres, le nombre de personnes inscrites en liste d'attente a augmenté de 77 pour cent entre 2005 et 2006, et non de quatre pour cent comme indiqué. Si "l’activité de greffe a augmenté de 4 pour cent en 2006", alors il ne devrait pas y avoir pénurie, puisqu'il y a augmentation de 4 pour cent d'un côté comme de l'autre... Or bien entendu, ce n'est pas le cas. La pénurie de greffons subsiste, elle est même renforcée par cette explosion du nombre de patients inscrits sur la liste nationale des malades en attente de greffe. Avec un tel ratio, comment les patients en attente de greffe vont-ils vivre cette situation ? D'autre part, la formulation : "patients nouvellement inscrits sur la liste nationale d’attente au cours de l’année [2006]" ne permet pas de savoir où se situent les patients qui ne sortent pas de la liste d'attente, car la greffe dont ils ont déjà pu bénéficier n'a pas marché pour eux (rejet). Combien de patients sont-ils dans ce cas, et quel pourcentage cela fait-il, sur le nombre total de patients en attente de greffe ?

La pression idéologique et économique subie par le corps médical pour mettre à disposition des donneurs d'organes "décédés" s'accroît. Le consentement présumé, inscrit dans la loi en France, est au service de cette tendance lourde.

Or cette massification du don d'organes n'est pas sans poser des problèmes d'éthique, comme on le voit à l'appui du témoignage suivant, qui m’est parvenu vendredi 23/11/2007 :
"Je suis Alain Tesnière, le père de Christophe, dépecé à Amiens. Claire Boileau en parle dans son livre pp. 57-58*. J'ai écrit un livre** certes, mais il a fallu mener un combat de plus de dix ans à la suite de notre plainte. Un combat vain, mais j'ai accumulé beaucoup de documents, j'ai fait des recherches. Je continue à penser que le consentement présumé n'a aucun fondement éthique et qu'il faut le retirer de la loi. (…) Depuis 1991, pratiquement rien n'a changé dans la loi sur les prélèvements d'organes. Rien n'a changé dans le discours officiel qui n'est en fait que de la propagande. On entend toujours les mêmes mots 'pénurie de greffons' : c'est-à-dire pas assez de morts. Les bricolages juridiques des lois dites de bioéthique sont des contresens. Et j'en passe."

* Claire Boileau : "Dans le dédale du don d'organes. Le cheminement de l'ethnologue", Editions des archives contemporaines, 2002, pp.57-58 : "(...) 'l'affaire d'Amiens', révélée par le quotidien 'Le Monde', (...) éclate en 1992. Elle met précisément en exergue sinon la volonté du défunt, du moins l'information détenue par la famille en matière de prélèvements d'organes pratiqués sur un proche. En août 1991, les parents d'un jeune homme de 19 ans perdent leur fils à la suite d'un accident et consentent à certains prélèvements d'organes. En novembre, ils apprennent que des actes chirurgicaux autres que ceux auxquels ils avaient souscrit ont été effectués sur leur fils : le prélèvement de plusieurs artères ou veines et, surtout, le prélèvement des globes oculaires. Or si la loi Caillavet de 1976 autorisait bien les prélèvements d'organes à but thérapeutique, elle ne faisait toutefois pas obstacle à la loi Lafay de 1949 qui précisait que les prélèvements de cornées étaient soumis à un legs testamentaire. Or le jeune homme n'avait pas fait un tel legs. On leur fit savoir que le prélèvement de cornée pouvait être assimilé à un prélèvement de tissu dans la mesure où de nouvelles techniques évitaient l'extraction tout entière du globe oculaire. En ce cas, ils demandèrent pourquoi les globes oculaires de leur fils avaient été remplacés par des prothèses : 'Lorsque nous avons découvert que les médecins d'Amiens avaient trahi notre confiance en ne prélevant pas seulement les quatre organes que nous avions accepté de donner, mais aussi les veines, des artères et surtout les yeux de notre fils Christophe, remplacés par des globes oculaires artificiels, nous fûmes horrifiés. Les médecins n'avaient pas respecté leur engagement, avaient menti en cachant la réalité d'un prélèvement multi-organes, n'avaient pas respecté la loi Lafay qui exigeait un legs testamentaire pour le prélèvement des cornées. D'un point de vue éthique, nous découvrîmes que les médecins se mettaient au-dessus des lois et, encouragés par le législateur qui avait mis à leur disposition le consentement présumé, avaient une ignoble notion de la dignité et du respect de la personne humaine. La confiance a disparu, la transparence a été malmenée. Que reste-t-il ? Un profond sentiment d'horreur face aux prétendus progrès de la médecine. En effet, 'l'affaire d'Amiens' n'est pas un simple dérapage. Elle met en cause tout le système."

** Alain Tesnière est l'auteur du livre paru en 1993 aux Editions du Rocher : "Les Yeux de Christophe. L'affaire d'Amiens", et de l'article paru dans "Etudes", Paris, Novembre 1996 : "Où est l'éthique ?" [pp. 481-484]

==> Télécharger le livre "Les Yeux de Christophe. L'affaire d'Amiens" (clic)

Le témoignage de M. Tesnière met en exergue la logique d’une augmentation du don d’organes. Cette logique est problématique. Je reviens sur la phrase : "Les bricolages juridiques des lois dites de bioéthique sont des contresens". En ce qui concerne la définition de la mort, la médecine n'est pas une science exacte. Quelles sont les conséquences de ce constat pour la pratique des transplantations d'organes ? Un article scientifique paru le 25/11/2007 *** explique les problèmes éthiques que pose, aujourd'hui encore, le constat de décès sur le plan de l'éthique dans le cas des prélèvements d'organes sur donneurs "décédés". Face à l'incapacité de la médecine à déterminer le moment précis de la mort, l'auteur de l'article appelle la société tout entière à débattre sur la pratique des prélèvements d'organes sur donneurs "décédés", c'est-à-dire : dont on prévoit le décès car ils sont engagés dans un processus de mort irréversible, que ces donneurs d'organes dits "décédés" soient en état de mort encéphalique ou en arrêt cardio-respiratoire persistant. Il est urgent que ce débat ait lieu : a-t-on le droit de prélever les organes de ces patients qui ne sont pas morts, mais dont la médecine peut prévoir le décès ? Confondre à dessein pronostic de mort et décès ne constitue pas une simple faute de méthodologie. Et s'il y avait violation du respect de la personne ? Un donneur "décédé" dont on prélève les organes est devenu un simple réservoir d’organes, ce n'est plus une personne. Le constat de décès (fiction juridique ?) effectué au préalable permet ce traitement. A la lumière de ces faits, la faute de méthodologie n'est ni innocente, ni anodine : elle permet d'obtenir des organes en instrumentalisant des personnes mourantes. La société ne doit pas ignorer cette pratique. Elle doit exprimer son consentement. Ou son refus. Faute de quoi le consentement éclairé inscrit dans la loi restera lettre morte, et le mariage voulu par la loi entre consentement éclairé et consentement présumé un infernal mariage entre Kant et Sade.

*** "The ethics of donation and transplantation: are definitions of death being distorted for organ transplantation?" Article by Ari R. Joffe, in: "Philosophy, Ethics, and Humanities in Medicine" 2007, 11/25/2007 (read)

Rappelons qu'en 2006, les prélèvements "à coeur arrêté" ont repris en France, et qu'une situation d'arrêt cardiaque peut désormais conduire à un prélèvement d'organes. L’arrêt cardiaque ne signifie plus simplement la mort de l’individu. La loi du 21 avril 2005 établit la procédure des prélèvements d’organes "à cœur arrêté" - procédure qui permet qu’une situation d’arrêt cardiaque devienne une source de greffons. Vous avez bien lu : un patient dont les fonctions cardiaques et respiratoires sont en arrêt persistant peut désormais devenir donneur d’organes. Rappelons que les donneurs d'organes "décédés" peuvent être en état de "mort encéphalique" (dans ce cas le coeur peut être prélevé), ou en état d’"arrêt cardiaque et respiratoire persistant" (dans ce cas, le coeur ne peut pas être prélevé, car il serait en trop mauvais état pour être greffé avec succès). Le cœur peut être prélevé sur des patients en état de mort encéphalique uniquement. Les cornées constituent un cas à part : en effet, elles peuvent être prélevées sur n'importe quelle personne décédée, et non pas seulement sur les personnes en état de "mort encéphalique" ou en état d'"arrêt cardio-respiratoire persistant" (bien que chez ces donneurs les cornées puissent être prélevées, comme on l’a vu avec le témoignage de M. Tesnière). Les prélèvements de cornée à but thérapeutique sont prévus par la loi de bioéthique du 29 juillet 1994 et les décrets subséquents (cette loi a été révisée en 2004). Cette loi de bioéthique (1994, révisée en 2004) définit les conditions de prélèvements d'organes et de tissus, avec quelques particularités propres aux prélèvements de cornée : le prélèvement sera réalisé dans les meilleurs délais, avant la sixième heure du décès. Le délai moyen de prélèvement post-mortem, toujours pour les cornées, se situe entre la 11ème et la 12ème heure. Cependant, un prélèvement peut être réalisé à jusqu'à la 20ème heure si le corps a été placé rapidement après le décès en chambre froide à +4°C (source).

Le prélèvement de cornées, comme on l’a dit, constitue un cas à part, car il ne pose plus le problème de la question du constat de décès du donneur sur le plan de l'éthique, car ce donneur de cornée est bel et bien mort et ... refroidi. Les donneurs d'organes, quant à eux, sont soit réanimés soit maintenus en vie artificielle, le temps de prélever leurs organes : le coeur, les reins, les poumons, le foie, le pancréas, les intestins, les valves, vaisseaux et autres tissus (dans le cas d'un prélèvement multi-organes). En théorie, les familles confrontées au don d'organes doivent avoir consenti au don de chacun des organes et tissus que les équipes chirurgicales vont prélever sur le patient en état de "mort encéphalique" ou en état d'arrêt cardio-respiratoire persistant (prélèvements "à cœur arrêté").Pour des raisons sentimentales aisées à comprendre, le don de cornées ne recueille pas toujours le consentement des proches/familles des personnes décédées. Dans son livre intitulé "Nous t'avons tant aimé : l'euthanasie, l'impossible loi", (2004, Editions du Cherche-Midi), le Professeur Bernard Debré écrit [p. 105] :
"Aujourd'hui, pour greffer un coeur ou un foie, il faut trouver un donneur. Un homme ou une femme, jeune de préférence, qui vient de mourir d'un accident, et dont certains organes fonctionnent encore. Mais il convient, pour pouvoir les utiliser, de remplir certaines conditions, dont la principale, qui n'est pas la moindre, consiste à déterminer leur compatibilité avec l'organisme du receveur. Et encore faut-il, dans ce cas, que la famille de la personne décédée soit favorable à un tel prélèvement 'post mortem', ce qui est loin d'être fréquent, pour des raisons sentimentales aisées à comprendre. Il suffit d'avoir suivi un débat sur le sujet à l'Assemblée nationale pour saisir la charge d'irrationnel qui s'attache à cette question, y compris chez les personnalités réputées les plus 'froides'. Je me souviens d'un parlementaire 'bouffeur de curés' - donc, j'imagine, athée - qui, dressant, le plus doctement du monde, la liste des organes pouvant être récupérés sur un 'mort', fit soudain une exception pour les cornées ... Parce que, plaida-t-il dans une envolée logique, on ne pouvait traiter comme un autre organe ce qu'il appelait sans rire 'les portes de l'âme'. .."

Le témoignage de M. Tesnière, et le titre du livre dont il est l'auteur, "Les yeux de Christophe", attestent l'existence de ces raisons sentimentales. Certains parents peuvent être effrayés par l'intrusion des équipes chirurgicales de prélèvement dans le processus de décès de leur enfant, se demandant s'ils ne risquent pas de l'abandonner au pire moment de sa courte existence, en acceptant le don d'organes. D'autres encore sont d'accord pour donner un ou deux organes, mais ne peuvent accepter que l'on prélève tous les organes et tissus de leur proche mourant. Les raisons du refus des familles confrontées au don d'organes ne se laissent donc pas réduire à un simple "égoïsme", ou "repli sur soi", comme il serait naïf de le penser. La réalité est infiniment plus complexe. A la phrase tant rebattue : "le don, point d'interrogation", on pourrait substituer celle, beaucoup plus taboue, mais combien plus réelle : "La mort, point d'interrogation". Le fait que la médecine échoue à définir la mort (le moment exact de la mort) en termes scientifiques, sans qu’il y ait controverses, rend la question du don d’organes à sa mort extraordinairement complexe. Dans le cas des prélèvements "à coeur arrêté" : ce qu'il faut savoir, c'est que "le décret du 2 août 2005 autorise en particulier les équipes médicales à mettre en place des moyens de préservation des organes en attendant l’entretien avec les proches" (source : Agence de la biomédecine). Ce décret a été mis en place afin de fournir une justification légale aux gestes invasifs qui ne sont plus dans l'intérêt du patient "candidat" au don d'organes. Une réanimation sur un patient en arrêt cardio-respiratoire persistant dans le "seul" but de conserver ses organes est douloureuse, entre autres pour les réanimateurs qui la pratiquent, mais on dit qu'elle poursuit un "bien supérieur" : la mise à disposition de greffons. On peut donc voir, à l'appui de la mise en place de la pratique des prélèvements "à coeur arrêté" en 2005-2006, que la tendance d'une massification du don d'organes - tendance déjà dénoncée par M. Alain Tesnière en 1992-1993 - se confirme. L'industrialisation du don d'organes est une tendance lourde, qui pose des problèmes d'éthique.

Les transplantations étaient le fruit d'un miracle de générosité, le donneur d'organes "décédé" acceptant à-priori l'intrusion des chirurgiens dans son processus de mort, afin que ses organes puissent être récupérés. Elles sont aujourd'hui un impératif économique (obligation de fournir un maximum de greffons). De procédure d'exception, elles sont en passe de devenir la règle. A ce compte, les usagers de la santé ne doivent pas s'attendre à ce qu'une information impartiale leur soit fournie : la promotion du don d'organes est devenue une obligation pour toute institution médicale et pour tout laboratoire pharmaceutique. Il y va de la survie financière de ces institutions et des bénéfices de ces entreprises. Rappelons qu'en Espagne, les services de coordination des transplantations, exclusivement composés de médecins, sont présents dans de très nombreux hôpitaux. Plus ces services fournissent de greffons, plus ils sont financés par l'Etat (les services de coordination des transplantations, pas les médecins eux-mêmes). On peut penser que le système espagnol, considéré comme exemplaire par les institutions médicales françaises, sera bientôt mis en place en France. En effet, l'Espagne est le pays d'Europe où le nombre de donneurs d'organes est le plus élevé (donneurs "décédés" à plus de 99 pour cent. L'Espagne pratique très peu les greffes d'organes à partir de donneurs vivants - de tels donneurs pouvant fournir un lobe de foie ou un rein à un proche compatible qui a besoin d'une greffe, voir le cas de Richard et Marie Berry en France). En même temps, dans un tel système, le don d'organes doit être "anonyme et gratuit". Combien de deuils pathologiques ce système engendre-t-il, côté donneur - les familles confrontées au don d'organes, à l'exemple de M. Tesnière - comme côté receveur - les patients morts "en attente de greffe" : n'a-t-on pas donné de faux espoirs à ces patients et à leur entourage ? Rappelons que le nombre des patients inscrits sur la liste d'attente en France a augmenté de 77 pour cent entre 2005 et 2006, alors que pour cette même période, l'activité des greffes a augmenté ... de 4 pour cent. Dans ces conditions, le processus de deuil des proches d'un patient décédé "dans l'attente d'une greffe" va être fort douloureux, car retardé et emprunt d'un sentiment d'injustice insoutenable. L'intérêt des institutions médicales promouvant le don d'organes n'est-il pas de diviser les usagers de la santé en deux camps irréconciliables : d'un côté les donneurs ou donneurs potentiels (dits peu généreux) et de l'autre les patients en attente de greffe (dénonçant l'égoïsme et le repli sur soi d'une population qui refuse le don d'organes) ? Comment un père confronté au don d'organes comme M. Tesnière est-il supposé comprendre le discours médiatique sur le don d'organes, qui commence invariablement par : "Seuls XX patients ont pu être greffés en [année]" ? Comment des patients en attente de greffe peuvent-ils comprendre la phrase : "Tous les individus ont des chances égales quant à l'attribution des greffons." (Agence de la biomédecine). 77 pour cent d'augmentation d'un côté et 4 pour cent de l'autre, voilà qui ne parle pas en faveur de "l'égalité des chances". Clairement, il n'y en aura pas pour tout le monde... Le talon d'Achille des transplantations, c'est la pénurie. Sans parler du problème que pose le constat du décès du donneur sur le plan de l'éthique. Au niveau européen, la plus grande prudence est manifestée vis-à-vis du don d’organes à partir de donneurs vivants, car la peur d’encourager le commerce de greffons est latente (on assiste déjà à un véritable commerce de pièces détachées dans le monde). La pression pour mettre à disposition des donneurs "morts" est d’autant plus forte... Ce qui marche à petite échelle n'est pas systématiquement promis à un succès de masse : la question des transplantations, avec la douloureuse question de la pénurie d'organes, nous le démontre chaque jour un peu plus. Dire qu'il y a d'un côté les (non-)donneurs et de l'autre les patients en attente de greffe, négligés par une population égoïste et individualiste qui nie la solidarité et la morale, c'est mépriser (à dessein ou non) la complexité de la réalité. M. Tesnière a constaté que les greffés qu'il a rencontrés souffrent de la culpabilité d'avoir bénéficié de la mort d'autrui. Même si cette culpabilité est refoulée, elle n'en est pas moins problématique. Bien des patients greffés s'interrogent, ou refoulent l'interrogation sur la mort de "leur" donneur. Cette mort - c'est-à-dire les conditions dans lesquelles le donneur mourant est décédé, pendant l'opération visant à récupérer ses organes - cette mort, donc, est aussi devenue leur problème, que ce soit sur le mode du refoulement ou non. M. Bertrand, le patron des Editions du Rocher jusqu'en 2005, aurait ainsi commenté la publication du livre "Les Yeux de Christophe. L'affaire d'Amiens" : "La mort, point d'interrogation". Et disons-le clairement : l'éthique des patients en attente de greffe est un sujet tabou. Seuls l'égoïsme et le repli sur soi des non-donneurs seraient problématiques ? Or les familles confrontées au don d'organes et ayant refusé, car trop effrayées par l'intrusion dans le processus de mort que suppose le prélèvement d'organes, sont culpabilisées par ce refus. Elles parlent de choix inhumain, insoutenable (choisir entre deux intérêts incompatibles : celui de l'accompagnement de leur mourant et celui des patients en attente de greffe). Les proches d'un patient ayant refusé une greffe pour des raisons d'éthique et étant de ce fait décédé prématurément (une greffe aurait peut-être aidé ?) portent également un lourd poids de culpabilité. S'il est bien une chose qui rapproche les deux camps dont on veut à toute force nous démontrer la rivalité, c'est bien la culpabilité. Et un insoutenable sentiment d'injustice. Est-il tabou de parler de la culpabilité ressentie par les greffés ? Un proverbe africain dit que la main qui donne est plus haute que celle qui reçoit. On voit bien comment un système de recyclage d'un individu à l'autre aurait pour conséquence la massification ou fabrication à la chaîne de deuils pathologiques.

Les transplantations coûtent très cher, mais elles sont aussi très lucratives. Nul doute que c'est là une bonne nouvelle pour les hôpitaux réalisant les greffes et les laboratoires pharmaceutiques (un patient greffé doit prendre chaque jour une trentaine de médicaments). Mais il est urgent que chacun réfléchisse au "mourir" sans pression idéologique. La route de l'enfer est pavée de bonnes intentions, dit-on. M. Tesnière ne sera sans doute pas le seul à être de cet avis, ou du moins à pouvoir donner à ce dicton son pesant de vécu. Avant de dire oui au don d'organes à notre mort - et non "après notre mort", comme l'affirme pourtant la propagande mensongère, car en réalité les organes d'un mort ne peuvent soigner personne, à moins de dire qu'un mourant est un mort, et de passer sous silence cette faute de méthodologie ou mensonge éhonté -, interrogeons-nous sur la fin de vie que ce don supposerait, sur les contresens et bricolages de la loi, sur les questions d'éthique soulevées par le consentement présumé. Le consentement présumé permet que le don d'organes devienne un phénomène de masse. Mais nous devons aussi nous interroger sur l'impact que ce don aura sur nos proches, dans ce qu'il est convenu d'appeler leur "processus de deuil". La phrase anodine "Nul n'est censé ignorer la loi" prend une tournure dramatique à la lumière du témoignage de M. Tesnière. Faute de réquisitionner les corps des mourants "candidats" au "don" d'organes, il ne faudra pas s'étonner que certains voient le verre d'eau à moitié vide là où d'autres le verront à moitié plein. Une réquisition des mourants pour un "bien supérieur" ne va pas dans le sens de la démocratie (voir l'exemple de la Chine, avec l'affaire des prélèvements d'organes sur des prisonniers). Il est urgent d'inviter les usagers de la santé à réfléchir sur cette notion de "bien supérieur" que représentent les transplantations d'organes, afin de la qualifier, quantifier et relativiser, pour enfin sortir de l'idéologie et des dogmes qui instrumentalisent la réflexion. Absolutiser ce "bien supérieur", c'est parler comme ce célèbre chirurgien pionnier des transplantations qui disait : "Tout ce qui n'est pas donné est perdu", et qui envisageait les transplantations comme "une glorification de la mort". Peut-on dire que la mort est glorieuse ? Il n'est pas certain que M. Tesnière ait vécu le "don" de cornée comme une glorification du décès de son fils...

Lors du colloque sur les cellules souches adultes, le 22/11/2007 au Sénat, devant les progrès considérables accomplis grâce aux cellules adultes et de sang de cordon, le professeur Claude Huriet a demandé à Mme Marie-Thérèse Hermange, Sénateur de Paris, Membre du Comité Consultatif National d'Ethique, Membre correspondant de l'Académie Nationale de Médecine et organisatrice de ce colloque, si le Sénat était bien conscient de la nécessité d'intensifier les efforts, notamment au plan politique, pour favoriser ces recherches. Il a également demandé la poursuite du moratoire sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires mis en place par la loi de bioéthique de 2004, en maintenant l'interdit de principe de faire de la recherche sur les embryons énoncé par cette loi. Le Professeur Huriet a expliqué que les enjeux des progrès de la médecine régénératrice (régénérer des organes sans recourir à la transplantation, ce qui passe par la recherche sur les cellules souches) sont d'une extrême importance, puisque, faute d'alternative à la transplantation, les prélèvements d'organes sur donneurs "décédés" requièrent que des équipes de réanimation acceptent de procéder à la réanimation de patients engagés dans un processus de mort, cette acceptation n'allant pas de soi. Il convient de tout mettre en oeuvre pour ouvrir la voie à d'autres alternatives, et la régénération des organes constituerait une alternative éthique aux transplantations d'organes - alternative certes attendue avec impatience. Même si la médecine régénératrice n'est pas pour tout de suite, nous avons le devoir de tout faire pour ne pas fermer la porte à ces recherches. Cela reviendrait à mépriser des témoignages lourds de vécu, comme celui de M. Tesnière. Pensons aussi aux proches d'un patient décédé "en attente de greffe", aux proches d'un patient décédé prématurément car ayant refusé une greffe pour des raisons d'éthique, de culture ou de religion. En France, il y a entre 30 000 à 50 000 greffés en vie (chiffres de 1997, source : Agence de la biomédecine). En France, pour la seule année 2006, 12.411 personnes ont eu besoin d’une greffe d’organe ! (source : France ADOT). Le don d'organes ne résoudra jamais les problèmes de pénurie de greffons, de compatibilité des donneurs et des receveurs, du rejet des "greffons", des résultats de survie, des effets secondaires des immunosuppresseurs. Le don d'organes ne pourra jamais résoudre les problèmes posés par les transplantations.

Ce qu'ont fait les transplantations à petite échelle, il faut espérer que les recherches en médecine régénératrice pourront le faire à grande échelle. C'est là une perspective, même si ce n'est pas la seule (on peut aussi penser aux coeurs artificiels), et s’il nous faut encore être prudents dans nos espoirs. La bonne nouvelle ? Les cellules souches peuvent être dérivées des tissus graisseux. Ces cellules souches provenant des tissus graisseux peuvent se différencier en de nombreux, différents tissus. De nombreux patients obèses seront ravis de se débarrasser de leur graisse au cours d'une liposuccion, apportant ainsi des cellules souches capables de régénérer des tissus. A condition que ce potentiel thérapeutique tienne ses promesses, voilà un don qui devrait poser moins de problèmes que celui de nos organes à notre mort. Et si les problèmes posés par l'industrialisation du don d'organes pouvaient un jour être résolus par ces cellules souches obtenues sans embryon ? Exclure d’emblée cette éventualité ne serait ni éthique ni raisonnable.

La personne décédée et la définition légale de la mort

==> http://www.ethique.inserm.fr
Dr C. RAMBAUD, Maître de conférences en Médecine légale, Paris 5
Voir aussi : ==> Fin de vie

Introduction : historique.

"Il a toujours été difficile d'établir formellement la mort. Avant le recours aux EEG et ECG, des méthodes pragmatiques étaient utilisées. La stimulation nociceptive : faire très mal, dans les comas profonds induit normalement une réaction, mais si le sujet est bien mort, aucune réaction (classiquement : croquer le gros orteil, d'où l'expression de croque-mort). Les veilles funéraires jouaient aussi un rôle dans la certitude de la mort, la famille rassemblée pour prier restait auprès du mort plusieurs heures et pouvait donc éventuellement détecter des signes de vie.

Encore aujourd'hui, un mort à l'hôpital hors des services de réanimation doit être gardé au moins 2 heures dans le service avant d'être descendu en amphithéâtre.
La mort paraît être quelque chose de simple, en fait c'est une grande responsabilité pour le médecin que de déclarer la mort."

Les signes de la mort.

"La mort est un concept. Physiologiquement, on la définit par deux catégories de signes :
- négativement : disparition des signes de la vie (ce n'est pas une tautologie)
=> respiration, circulation sanguine, premiers signes
- positivement : signes liés au début de décomposition, avec le refroidissement, la déshydratation, la tache verte abdominale => pas de difficulté quand ces signes là sont apparus. Ce qui pose problème, c'est le 'tout juste mort'.

Lorsqu'il n'y a 'que' arrêt des fonctions vitales : c'est ce qu'on appelle l' 'état de mort apparente', qui suppose que si des manœuvres sont entreprises suffisamment rapidement (SMUR, SAMU, etc.), on peut rebasculer du côté de la vie (s'il s'agit simplement d'un arrêt cardiorespiratoire). Il n'y a pas de frontière, de couperet, entre vie et mort. La mort est un état transitoire qui se prolonge. Plus on avance dans cette zone transitoire, plus le retour en arrière est difficile, voire impossible."

BICHAT : Les cellules du corps humain vivent ensemble mais meurent séparément.

"Les cellules nerveuses sont les premières à mourir. Lorsqu'il y a arrêt des fonctions respiratoires et cardiaques, l'oxygénation cesse. S'enclenche alors toute une série de processus : hypoxie, hypercapnie, acidose métabolique, nécrose des cellules, etc.

On dit classiquement que la mort cérébrale survient au bout de 3 minutes d'anoxie. Cette durée est une moyenne , elle varie selon l'âge du sujet, son état de santé, les conditions de température. On ne devrait jamais déclarer mort quelqu'un qui est en hypothermie, elle provoque des signes identiques à la mort : rigidité musculaire, pupilles aréactives, dilatées... elle peut donner l'apparence de la mort. On ne devrait pas non plus déclarer la mort sans effectuer une autre recherche essentielle : la présence de substances toxiques, dépresseurs du système nerveux central, qui induisent des comas toxiques qui, dans leur stade le plus profond, se caractérisent par une absence de réaction à la stimulation douloureuse, la disparition complète de tout signe neurologique, et on peut avoir un EEG totalement aréactif pendant 30 minutes de suite.

Après la mort cérébrale, les cellules du muscle cardiaque meurent en une dizaine de minutes. Puis cellules hépatiques, cellules musculaires, cellules digestives, etc.

Les manœuvres de réanimation sur un sujet en état de mort apparente sont : le massage cardiaque, la ventilation, et on peut espérer faire repartir le système (pour autant que la cause ait été curable de cette façon là). Il arrive malheureusement qu'on puisse récupérer le cœur, le corps, mais pas le cerveau.

Il ne faut pas confondre mort cérébrale et coma dépassé : dans le coma dépassé les cellules du système nerveux central ne sont pas mortes."

Les signes cliniques de la mort cérébrale :
"- absence totale de réponse à l'hypercapnie : critère unanimement reconnu. Il s'agit de suroxygéner le sujet pendant 10 minutes puir de débrancher le mécanisme de respiration artificielle, pour rechercher le réflexe de réoxygénation spontanée, qui n'existe pas pour les sujets en état de mort cérabrale.

- signes paracliniques : vérifier par artériographie cérébrale qu'il y arrêt complet de toute la vascularisation du système nerveux central, ou électroencéphalogramme pendant 30 minutes à la sensibilité maximale. La loi exige deux EEG de 30 minutes séparés par 4 heures.

Les autres cellules peuvent continuer de vivre un certain temps. C'est ce qu'on appelle la supravitalité.
Le mort en état de mort cérébrale : pour acquérir la certitude de cette mort, avant EEG on utilisait divers types de méthodes, invasives (trocard dans le coeur pour vérifier si mouvement ou pas) , de type injection de fluorescéine, fixée en cas de circulation sanguine dans la pupille et observable en fond d'oeil, ou d'éther...

Avec les progrès de la réanimation, on s'est trouvé en présence de 'cadavres chauds' , c'est à dire en état de mort cérébrale, pour lesquels il fallait pouvoir démontrer la mort. La législation est intervenue pour légaliser une pratique courante, nécessaire pour tranquilliser les familles vis à vis des dons d'organe : il ne peut pas y avoir de confusion, une personne en état de mort cérébrale n'est pas récupérable. La difficulté vient pour les familles de cette apparence de vie conférée par la respiration artificielle. La loi (au sens large, en fait le décret n° 96-1041 du 2 décembre 1996) a imposé la constatation de la mort cérébrale par deux médecins successifs à 4 heures d'intervalle. Le certificat de décès ne peut être signé qu'après la constatation de mort cérébrale. Le modèle de constat de mort est fixé par arrêté, paru au même JO."

Le processus de la mort et la détermination de l'heure de la mort.
"Le refroidissement du corps se fait progressivement, à raison de 1° par heure environ, pour arriver jusqu'à un équilibre avec la température de la pièce. Pour prendre la température, on procède par voie anale ou voie centrale. Plus on s'éloigne de l'heure de la mort, plus l'approximation dans la détermination de l'heure de sa survenue est large.

Après le refroidissement apparaissent les lividités cadavériques : elles sont dues à la pesanteur, à l'accumulation du sang dans les parties déclives du corps. Elles deviennent immuables une fois que le sang est extravagué. Ce phénomène survient environ 30 heures après la mort.

La rigidité cadavérique : elle apparaît entre la 4ème et la 6ème heure post mortem, progressivement en commençant par le visage, la mâchoire, puis en descendant jusqu'aux muscles des jambes. Elle est due à la dernière réaction chimique qui se passe dans les cellules musculaires privées de leur carburant, l'ATP, par agrippage des filaments d'actine et de myosine (qui assurent normalement la contraction par glissement). Les muscles se fixent dans leur position de fonction principale (pour les mains, en flexion, pour les bras, en extension, etc.). Elle disparaît au bout de 48 à 72 heures, dans le sens d'apparition.
La tache verte abdominale : C'est le premier signe de décomposition. Elle est due à la prolifération des bactéries du tube digestif, qui produisent de la putrescine, de couleur verte, qui colore d'abord la paroi du tube digestif, puis par contigüité les muscles et la peau. Elle apparaît autour du nombril. En même temps, le corps double de volume du fait des transsudats de liquide. Ces liquides et gaz font pression sur les vaisseaux et provoquent une circulation posthume.

Les insectes nécrophages : c'est une excellente méthode pour dater la mort d'une personne dont le corps est trouvé dans la nature.

Cadavre chaud, souple, sans lividités : la mort remonte à 4 à 6 heures
Cadavre tiède, rigide, lividités effaçables : la mort remonte à 6 à 12 heures
Cadavre froid, rigide, lividités immuables : la mort remonte à 12 à 24 heures
Cadavre froid, non rigide, apparition de la tache verte abdominale : la mort remonte au moins à 48 heures."

Le changement de statut : de la personne à la chose.
"La transition se fait par l'intermédiaire du certificat de décès. Le cadavre est un objet.

Un certificat de décès ne peut être signé qu'après examen clinique d'un cadavre : des problèmes se posent donc lorsqu'une personne disparaît et que son corps n'est pas retrouvé. S'il existe néanmoins un témoin des circonstances de la mort, la personne est déclarée disparue. S'il n'existe aucun témoin, on entre alors dans le cadre de l'absence, délicate au plan juridique, car imposant un délai de 10 ans avant que les conséquences attachées à la mort puissent être retirées : dissolution du mariage, ouverture de la succession ...

Des processus d'identification des cadavres décomposés ou inidentifiables sont utilisés : identification principalement par les vêtements, les bijoux... puis par les signes distinctifs ... puis par les radiographies, les fiches dentaires, et enfin éventuellement par les empreintes génétiques, avec comparaison avec des ascendants ou descendants."

La dignité de la personne humaine qui protège le cadavre.
"Jusqu'en 1992, l'atteinte à l'intégrité du cadavre ne constituait nullement une infraction. Il n'existait que l'atteinte à la sépulture, si elle contenait un corps. Le besoin d'imposer un respect du cadavre est apparu alors que les techniques de réanimation amenaient le problème des 'cadavres chauds'.
Le cercueil est fermé en présence du commissaire de police ou d'un représentant. Le corps humain est inviolable, ses éléments et produits ne peuvent faire l'objet d'aucun droit patrimonial. Ces principes ont été étendus au corps après la mort. L'atteinte à l'intégrité du cadavre est aujourd'hui un délit passible de 1 an d'emprisonnement et 100000 F d'amende.

L'atteinte à l'intégrité du cadavre peut néanmoins avoir lieu, dans 3 cas bien précis :
1. justice : autopsie médicolégale, personne ne peut s'y opposer (sauf si le mort est un mineur, l'accord des parents est requis)
2. santé publique : prélèvements en vue de greffes, le cadre est celui de la loi du 29 juillet 1994, le consentement du défunt, exprimé directement ou par le témoignage de sa famille, est indispensable
3. science : les personnes qui donnent leur corps à la science."

"Notre corps ne nous appartient pas" ?!

Un article du Figaro, datant du 14/02/2008, intitulé "La Recherche sur les greffes d'organes progresse" (voir), fait état de la recherche en sciences sociales sur le sujet :
"(...) la recherche passe aussi par les sciences sociales pour comprendre la pénurie d'organes en France. Avec 1 441 donneurs prélevés en 2006, on dénombrait 12 407 malades en liste d'attente. Il s'agit d'explorer, comme le fait Élisabeth Lepresle, le rapport du citoyen français avec son corps qui, rappelons-le, ne lui appartient pas. 'Le corps est extrapatrimonial. Qui va le vendre ? Qui va le donner ? L'État français ne nationalise pas le corps', a-t-elle rappelé."


"(...) le rapport du citoyen français avec son corps qui, rappelons-le, ne lui appartient pas."

Phrase étonnante. Que signifie-t-elle ? Le corps du citoyen ne lui appartient pas (dans ce cas, à qui appartient-il ? A l'Etat ?), ou bien : le corps du citoyen lui appartient, mais il n'a pas le droit d'en faire ce qu'il veut (vendre ses organes par exemple) ?
Il me semble qu'il y a là une idée un peu perverse de jouer sur les mots, en cherchant à assimiler les deux idées, bien évidemment différentes, voire opposées.

Ces deux idées sont en fait diamétralement opposées : dans le premier cas, le corps du citoyen appartient à une entité supérieure qui peut en disposer, même pour une cause allant à l’encontre de l'intérêt du citoyen. Dans le deuxième cas, le corps du citoyen ne lui appartient pas, et encore moins à quelqu’un d’autre, car en fait le corps du citoyen n’appartient à personne.

Le Professeur Henri Kreis, chef du service de néphrologie, transplantation rénale à Necker-Enfants malades, défend le "concept de l'appropriation conditionnelle par la société." Ce concept "pourrait représenter la véritable solution à la question de l'obtention des organes, à condition qu'il soit accepté par la société et rendu conditionnel par la prise en considération du refus de l'individu". Le Professeur Kreis précise qu'"(...) afin de respecter le principe d'autonomie, une société qui souhaiterait utiliser ce concept d'appropriation pour favoriser la collecte des organes devrait accepter le refus de l'individu, mais pas celui de la famille". Pour le Professeur Kreis, le système du don, basé sur l'altruisme et la générosité, ne marche pas : "Le chemin de la bonne volonté semble être un cul-de-sac." Au préalable, il conviendrait de débattre de l'importance de la transplantation pour la société...

==> Voir la présentation : "Faut-il repenser le système d'obtention des organes ?", par le Professeur Henri Kreis (2004)

Source :
http://infodoc.inserm.fr