Scientific MOOCs follower. Author of Airpocalypse, a techno-medical thriller (Out Summer 2017)


Welcome to the digital era of biology (and to this modest blog I started in early 2005).

To cure many diseases, like cancer or cystic fibrosis, we will need to target genes (mutations, for ex.), not organs! I am convinced that the future of replacement medicine (organ transplant) is genomics (the science of the human genome). In 10 years we will be replacing (modifying) genes; not organs!


Anticipating the $100 genome era and the P4™ medicine revolution. P4 Medicine (Predictive, Personalized, Preventive, & Participatory): Catalyzing a Revolution from Reactive to Proactive Medicine.


I am an early adopter of scientific MOOCs. I've earned myself four MIT digital diplomas: 7.00x, 7.28x1, 7.28.x2 and 7QBWx. Instructor of 7.00x: Eric Lander PhD.

Upcoming books: Airpocalypse, a medical thriller (action taking place in Beijing) 2017; Jesus CRISPR Superstar, a sci-fi -- French title: La Passion du CRISPR (2018).

I love Genomics. Would you rather donate your data, or... your vital organs? Imagine all the people sharing their data...

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Tous les chemins mènent au Don

Quand les médias parlent des transplantations, quel est le mot privilégié, celui qu'ils emploient pour faire prendre conscience de la pénurie de greffons (comme si quiconque pouvait ignorer cet état de fait !) ? Quand les médias font appel à votre générosité, quel est le mot-clé ? Inutile de continuer, vous aurez compris qu'il s'agit du DON. Don du sang, don d'organes, don de sperme, don à une oeuvre caritative, comme les Restos du Coeur, don de moelle osseuse : même combat ? Bien sûr, une réponse par l'affirmative serait de mauvais alois. On nous répète que le don d'organes ("donneur cadavérique") est consenti après notre mort. Les autres formes de don sont consenties de notre vivant. Les coordinateurs au sein des services hospitaliers de transplantation d'organes parleront de DON aux familles confrontées ... au don d'organes. Cette lapalissade dissimulerait-elle une réalité autre ? Des problèmes autres que le Don ?


Eric, coordinateur au sein d'un service hospitalier de transplantation d'organes, a écrit ce qui suit le 27/11/2007, en réaction à mon article sur AgoraVox intitulé : Les problèmes de l’industrialisation du don d’organes :

"Bonjour, vous écrivez et surlignez en gras les propos suivant 'les usagers de la santé ne doivent pas s’attendre à ce qu’une information impartiale leur soit fournie: la promotion du don d’organes est devenue une obligation pour toute institution médicale...'
Je crois qu’à travers ce texte vous méprisez une liberté fondamentale de l’individu, son libre arbitre dans l’exercice de sa profession. La très grande majorité des coordonnateurs de prélèvements d’organes (dont je fais partie) qui rencontre les proches des défunts suceptibles de donner leurs organes travaille en accord avec la loi de bioéthique de 2004. Il s’agit de rechercher la non-opposition du défunt au don d’organes et non de faire la promotion du don. Lorsqu’il existe une incertitude sur la volonté des défunts nous tentons de retrouver avec les proches des actions du défunt qui valideraient (ou non) le don (don du sang, participation à des oeuvres caritatives, refus de participation à la recherche...) Les professionnels de santé savent conserver une dimension humaine de la relation et sont loin, surtout dans ces moments de deuil, du calcul économique.

Le message de l’agence de la biomédecine est clair, il ne s’agit pas de favoriser le don mais de favoriser la transmission de la décision. Une enquête menée dans les années à 2000 à montré qu’environ 80 pour cent de la population Française est favorable au don mais que seulement 15 pour cent l’avait transmis à son entourage. Et l’on remarque que près de 30 pour cent des causes de non-prélèvement sont dues à des refus. Refus qui semble plus motivé par l’ignorance des survivants que par un réel refus des défunts. aujourd’hui l’information dispensé présente donc cette nécessité de se positionner (pour ou contre) et non une obligation de donner.

Il est vrai que certaines associations, non gouvermentales, proclament un discours plus centré sur le don et sa nécessité. Mais cela reste un point de vue engagé qui n’est pas retenu par la majorité des professionnels. Ceux ci tiennent à favoriser le respect du défunt."


On voit bien que la question du don est centrale lorsque se pose la question d'obtenir le consentement des proches lorsqu'il s'agit de prélever les organes d'une personne en état de mort encéphalique ou d'un patient en arrêt cardio-respiratoire persistant :
"Lorsqu’il existe une incertitude sur la volonté des défunts nous tentons de retrouver avec les proches des actions du défunt qui valideraient (ou non) le don (don du sang, participation à des oeuvres caritatives, refus de participation à la recherche...)".

Or apparenter le don d’organes au don du sang est problématique : pour donner notre sang, ou à une oeuvre caritative, ou notre corps à la science, aucun médecin ne va nous maintenir en vie artificielle ou nous réanimer le temps de prélever nos organes... C'est pourtant ce qui se passe avec des donneurs en état de mort encéphalique ou dans le cas des prélèvements "à coeur arrêté" (donneurs "en arrêt cardio-respiratoire persistant", qui ont été réanimés dans le "seul" but de récupérer leurs organes afin d'aider les patients en attente de greffe).

S'interroger sur le don, c'est ne pas s'interroger sur le diagnostic de mort dans le cas du donneur dit "cadavérique". Qu'évoque ce mot pour le grand public ? Une personne qui est bel et bien décédée, "refroidie". Ne parle-t-on pas de rigidité cadavérique ? Or dans le cas des patients donneurs d'organes dits "décédés", on est loin de ladite rigidité cadavérique. Si pour moi la notion de mort implique la destruction du cerveau, du coeur et des poumons, je dois savoir :

1-) Qu’un patient en état de mort encéphalique est un patient à coeur battant
2-) Que la mort encéphalique n'est pas attestée chez un patient en "arrêt cardio-respiratoire persistant" - patient pour lequel le constat de décès a pourtant été effectué.
3-) Le plus important : un donneur d'organes dit "décédé" est un patient devenu un simple pourvoyeur d'organes, et non plus traité comme une personne. Pour prélever les organes de ce donneur en état de "mort encéphalique" ou en arrêt cardio-respiratoire persistant, il faut soit le maintenir en état de vie artificielle le temps que ses organes soient prélevés, soit le réanimer dans le but d'assurer la conservation de ses organes au moyens de techniques invasives. Dans les deux cas, le qualificatif de "donneur cadavérique" constitue un mensonge éhonté : il s'agit d'un mourant, d'une personne engagée dans un processus de mort. Non d'un mort ! Le prélèvement des organes de cette personne exige que les équipes chirurgicales de prélèvement interviennent (fassent intrusion) dans son processus de mort. Or c'est précisément cette intervention ou intrusion dans le processus de mort d'un proche qui peut effrayer les familles confrontées au don d'organes. Il ne s'agit pas d'initier un débat idéologique centré sur des considérations philosophiques (dogmatiques ?) telles que la générosité, l'égoïsme, le don, le repli sur soi, au chevet d'un défunt. Dans les faits, ces familles confrontées au don sont confrontées à une "technicisation de l'agonie" au service des transplantations. Avec tout ce que cette technicisation peut avoir de terrifiant. Quand on se trouve confronté à la question du don des organes d'un proche mourant, on se pose la question de savoir comment on peut accompagner ce mourant au mieux. Il n'est pas question de l'abandonner au pire moment de son existence. Voilà la vraie préoccupation. Disons-le très clairement : les familles confrontées au don des organes d'un proche mourant vivent un dilemme inhumain : elles doivent choisir entre l'intérêt du mourant (le laisser s'éteindre le plus paisiblement possible) et un don d'organes qui aiderait de très nombreux patients en attente de greffe, d'autant qu'on a assisté à une explosion du nombre de patients en attente de greffe : +77 pour cent entre 2005 et 2006 ! (Source). Si ce choix n'est pas un choix cruel, alors qu'est-ce d'autre ? Il est sans doute plus facile (démagogique ?) de dire que la vraie question est la question du don. Voilà qui ne fâchera personne. Pourtant, poussé à l'absurde, le raisonnement du coordinateur fera dire qu'une personne ayant consenti, de son vivant, au don de sperme (anonyme) et se retrouvant en état de "mort encéphalique" ou en "arrêt cardio-respiratoire persistant", et donc incapable de faire part de sa volonté, aurait consenti au don de ses organes (anonyme) ... car cette personne a déjà donné... son sperme ?! On voit bien ce que ce raisonnement a de délirant : un rapprochement théorique permettant d'établir un lien entre le don de ses organes à sa mort et le don de sperme de son vivant, tout cela afin de tenter d'établir quelle position une personne inconsciente aurait eue sur le don de ses organes ! Les contorsions autour du don permettent d'éviter une confrontation directe, pourtant nécessaire, hélas, avec la question de la mort, qui est LA question. La question du Don permet d'éviter autant que faire se peut la confrontation avec la mort. Cachez ce mourant que je ne saurais voir. La question de la mort est taboue : on n'en parle pas plus que de la corde d'un pendu. A la place, on parle de don. Afin que la transition se fasse en douceur : un don, pour lutter contre la pénurie de greffons. Le don optimise la mort, fait reculer le deuil. Miracle, ou tour de passe-passe ? Après tout, si on peut éviter de parler de la mort à des gens qui viennent de perdre un proche et sont encore sous le choc, tout en pouvant récupérer des organes dont les patients en attente de greffe ont tant besoin, où est le mal ? Le hic, c'est que des proches ayant consenti à un don risquent de le regretter amèrement par la suite, s'ils ont le malheur de se poser cette question : "à quelle mort est-ce que je crois ?", après avoir découvert (à nouveau par malheur) la relativité des critères permettant de définir la mort, comme en témoignent les nombreuses controverses à l'échelle internationale sur le constat du décès sur le plan de l'éthique dans le cadre des prélèvements d'organes sur donneurs "décédés". Quand on sait que les organes d'un mort ne soignent personne, on comprend l'importance de la question de la mort (constat de décès) dans le cas des prélèvements d'organes sur les donneurs dits "décédés". M. Alain Tesnière a fait ces douloureuses découvertes après avoir consenti au don des organes de son fils, Christophe, 19 ans, qui s'était retrouvé en état de "mort encéphalique" en 1992. M. Tesnière s'exprime suite à la lecture du livre "De tout coeur" du Professeur Chritian Cabrol (2006) :

"Quand le Professeur Cabrol s’exprime sur la mort, cela donne des frissons. ’On ne peut pas prélever après une mort de maladie ou de vieillesse: les organes sont épuisés. Il est nécessaire de trouver un cœur sain, vigoureux, battant. Un coeur battant après la mort, cela paraît impossible. Sauf dans certaines circonstances où un seul des organes vitaux est détruit: le cerveau. C’est ainsi qu’en 1959, deux médecins réanimateurs français, Pierre Mollaret et Maurice Goulon, avaient signalé qu’à la suite de certains traumatismes crâniens très graves, la rupture d’un vaisseau dans le crâne ou encore un suicide d’une balle dans la tête, le cerveau subit des lésions irréversibles qui vont entraîner la mort sans, paradoxalement, que tous les autres organes cessent immédiatement de fonctionner. Dans ces cas, si l’on applique la respiration artificielle mécanique utilisée en anesthésie, celle-ci supplée aux muscles respiratoires paralysés par la mort du cerveau. Le coeur animé par son propre mécanisme continue de battre et pousse le sang dans les poumons. Grâce à la respiration, le sang s’oxygène et la circulation sanguine assure ainsi le passage d’un sang oxygéné dans tous les organes du corps. Sauf dans le cerveau, car les lésions cérébrales entraînent un œdème, c’est-à-dire une accumulation liquidienne dans le cerveau qui augmente son volume. Comme il est dans une boîte crânienne inextensible, aucune goutte de sang ne peut ni entrer ni sortir. Ainsi le cerveau est détruit et les organes continuent à fonctionner. Seulement pendant quelques heures, car un cerveau détruit ne peut plus diriger les mécanismes les plus intimes de l’organisme, telle la production des matériaux nutritifs, de sorte que les organes, peu à peu privés de ces matériaux indispensables pour leur survie, se détériorent et cessent de fonctionner. Mais ces quelques heures après la mort du cerveau, la mort cérébrale, où les organes fonctionnent encore, sont très précieuses car ce sont les seules où l’on peut prélever des organes pour les greffes sans priver le donneur d’une seconde de vie.’ Le Professeur Cabrol établit la décérébration ou le coma dépassé ou la mort cérébrale comme étant la mort. Il poursuit: ’En France des organes avaient déjà été prélevés pendant cet état de mort cérébrale. En 1958, à l’hôpital Foch, René Kuss avait obtenu l’accord de l’administration et des familles pour prélever les reins de personnes en mort cérébrale. En général il avait attendu l’arrêt du coeur.’ Donc ces prélèvements se sont faits avec le consentement explicite des familles soit à coeur battant soit à coeur non battant. Continuons: ’En 1964, Jean Hamburger put prélever un rein sur une personne décédée de mort cérébrale, mais dont le coeur battait encore. Ces quelques prélèvements faits à coeur battant n’intéressaient cependant jamais le coeur lui-même. Pour régulariser les prélèvements dans ces conditions, François d’Allaines, pionnier de la chirurgie cardiaque en France, pose en 1966 à la plus haute autorité médicale de France, l’Académie de médecine, d’après une proposition de l’ordre des médecins, deux questions. La première: peut-on considérer la mort cérébrale comme la mort légale, c’est-à-dire celle qui permet d’établir un certificat de décès ? En effet grâce aux progrès de la réanimation, il est difficile de se fonder sur les anciens critères de la mort. L’arrêt respiratoire, grâce à la respiration artificielle, n’autorise plus cette conclusion. L’arrêt cardiaque non plus car on sait y remédier par un massage cardiaque. Seule la destruction du cerveau permet à un médecin de certifier la mort. Seconde question: dans cet état de mort cérébrale, peut-on prélever des organes encore fonctionnels en vue d’une greffe ?’ L’Académie de médecine finira par donner son accord. Donc depuis 1966, la mort cérébrale est la mort. L’Académie de médecine rejette les anciens critères : plus question d’arrêt respiratoire, ni d’arrêt cardiaque. Le sénateur Caillavet, dix ans plus tard, fera passer une loi qui dispense les médecins de demander l’accord de la famille. Tout est au mieux dans le meilleur des mondes ! Pourtant M. Cabrol nous rebat les oreilles avec la pénurie de greffons. Comment est-ce possible ? Les médecins ont tout l’arsenal juridique en leur faveur pour se fournir en organes sur les mourants. On aimerait entendre M. Cabrol, désormais membre de l’Académie de médecine , s’exprimer sur le décret n° 2005-949 du 2 août 2005 article 1, paru au Journal Officiel du 6 août 2005, décret qui autorise le prélèvement d’organes en utilisant le consentement présumé de M. Caillavet sur des donneurs à coeur arrêté. M. Cabrol, dans son livre ’De tout coeur’, nous explique que l’arrêt cardiaque n’est plus un critère de la mort depuis 1966. Que sont devenus les travaux de Pierre Mollaret et Maurice Goulon ? Il me semble que les Français souhaitent une explication sur ces contradictions. Le gouvernement français a des instances pour informer le public. Pourquoi l’Agence de biomédecine ne communique-t-elle pas sur cette question éthique ?"

Une approche centrée sur le don permet de diviser les usagers de la santé en deux camps : les (non-) donneurs (plus ou moins généreux) et les patients en attente de greffe (qui souffrent du manque de générosité). Or quiconque a approché un tant soit peu les gens confrontés de près ou de loin aux transplantations sait à quel point tous - qu'ils soient proches de donneur "décédé", proches de patient "mort en attente de greffe", ou encore patient greffé -, tous peuvent être unis par un même sentiment de culpabilité et d'injustice. Les familles effrayées par l'intrusion d'une équipe chirurgicale de prélèvement d'organes dans le processus de mort de leur proche culpabilisent d'avoir à faire un choix entre accompagner au mieux leur mourant ou aider des patients (inconnus) en acceptant le prélèvement d'organes. Et ce, quel que soit le choix de ces familles : pour ou contre le don d'organes. Avoir le choix entre donner et risquer de passer le reste de sa vie à le regretter (car on n'aura pas accompagné "son" mourant), ou ne pas donner et risquer de passer le reste de sa vie à le regretter (car on n'aura pas contribué à aider des patients en attente de greffe), qu'est-ce d'autre, si ce n'est pas un choix inhumain ? Evoquant l'activité des transplantations d'organes, le Professeur Jean Bernard avait dit que cet "ordre cannibale" était "un ordre temporaire". Espérons qu'un jour pas trop lointain, on pourra régénérer les organes sans avoir recours aux transplantations. Car à dire vrai, le gentil terme de "don" cache une réalité beaucoup plus cruelle. Derrière chaque greffe (que les médias présentent pourtant comme une indication courante), une famille a dû faire un choix dramatique. Avec quelles conséquences sur le processus de deuil ? Un parent ayant consenti au don des organes de son fils, un médecin ayant perdu un parent décédé prématurément car ce parent avait refusé une greffe pour des questions de religion, un greffé du coeur, un patriarche orthodoxe s'interrogeant sur le constat de décès du point de vue de l'éthique, dans le cas des prélèvements d'organes sur donneurs "décédés", un médecin dirigeant un service de réanimation ayant mis sa pratique de médecin au service des prélèvements d'organes sur donneurs "morts", un chirurgien qui ne se remet toujours pas, dix ans après, d'avoir dû opérer un enfant mourant pour lui prélever ses organes, un chirurgien qui n'opère que des donneurs d'organes vivants, et un autre qui refuse d'opérer des donneurs vivants et ne prélève des greffons que sur des donneurs "morts", etc. Derrière la question du don d'organes, il y a des choix (in-)humains. D'où ce sentiment d'injustice et de culpabilité. Le consentement présumé inscrit dans la loi devrait nous pousser à nous intéresser un minimum à tous ces vécus évoqués plus haut. Nous sommes tous présumés consentant au don de nos organes à notre mort. Le hic, c'est que la médecine échoue à déterminer avec précision le moment de la mort. Ne sachant pas nous parler de la mort sans entrer dans d'inquiétantes complications (or chacun sait que les médecins sont là pour éviter les complications), on nous parle du don. Pourtant, la mort dans le contexte des prélèvements d'organes, cela peut s'expliquer. D'abord, il y a un dilemme : il faut être suffisamment mort aux yeux de la loi pour pouvoir être donneur d'organes "décédé", tout en étant suffisamment en vie (ou non mort) pour que des greffons encore viables puissent être prélevés. Pour certains médecins et législateurs, ce dilemme est insurmontable. Pour d'autres, il est surmontable. Nous venons de résumer le problème du constat de décès dans le contexte des prélèvements d'organes sur donneurs "décédés". A chacun de décider si une personne mourante peut être confondue avec une personne morte, afin que les transplantations puissent se faire sans problème. Nous venons de résumer le problème du constat de décès sur le plan de l'éthique, dans le contexte des prélèvements d'organes sur donneurs "décédés". Répétons cette lapalissade qui va pourtant à l'encontre de la propagande : les organes d'un mort n'aident aucun patient en attente de greffe. C'est pourtant logique. N'importe qui dans son bon sens devrait le comprendre. Et comprendre qu'un patient qui donne ses organes à sa mort décède au bloc, lors du prélèvement des organes. On peut à présent mesurer l'ampleur de la question du don. Eric a écrit : "Les professionnels de santé savent conserver une dimension humaine de la relation". La dimension humaine évoquée ne saurait faire l'économie des dilemmes que nous venons d'envisager. Or le discours sur le don fait parfaitement, purement et simplement l'économie, l'impasse sur ces dilemmes. Au risque de générer des deuils pathologiques ?

Aussi mort que nécessaire aux yeux de la loi ; aussi vivant que possible aux yeux de la médecine :
La mort étant un processus continu et non un instant ponctuel, il n’est pas aisé de pouvoir déterminer avec précision le moment de la mort. Il faut savoir que les critères permettant de définir la mort sont relatifs, et je ne parle pas là du point de vue culturel ou religieux. Je parle du point de vue scientifique. Ce qui nous conduit à commenter la phrase : "Refus qui semble plus motivé par l’ignorance des survivants que par un réel refus des défunts". Le Dr. Guy Freys, du service de réanimation chirurgicale, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, a fait une présentation intitulée "On ne meurt qu’une fois, mais quand ?", à l’occasion des "Deuxièmes Journées Internationales d’Ethique: Donner, recevoir un organe, Droit, dû, devoir", Palais Universitaire, Strasbourg, 29-31/03/2007. Je cite un extrait de cette présentation :
"En 1968 on valide le concept de mort cérébrale (5 août 1968, déclaration de Harvard aux USA et 25 avril 1968: circulaire Jeanneney) mais on se garde bien d’en préciser les critères, les Américains disant qu’il faut les établir en fonction des connaissances et en France, la fameuse circulaire Jeanneney dit que l’élaboration des critères va être imminente et proposée par l’Académie de Médecine. Il faudra attendre 28 ans pour les voir apparaître. La France a donc eu quelques mois d’avance sur les Américains pour décréter que la mort cérébrale était un état de mort. Monsieur Cabrol, deux jours après la promulgation de cette circulaire, va faire la première greffe à partir d’un donneur considéré en mort cérébrale. Vous voyez donc que pour une fois, nous n’étions pas en retard. L’arrivée de ce concept a apporté avec lui une multitude d’interrogations éthiques et a engendré nombre de controverses et de confusions, beaucoup n’y voyant qu’un prétexte pour légaliser le prélèvement d’organes sur personne ‘décédée à cœur battant’. Ce concept est aussi initialement controversé même chez les professionnels de la santé puisque si vous regardez des études des années 80, vous vous rendrez compte que 40% des professionnels de santé sont très réticents à admettre cette mort cérébrale. Cette méconnaissance reste encore aujourd’hui à mon sens le frein le plus important pour l’acceptation du don et reste le parent pauvre de l’information au grand public, et principalement le principal responsable du refus des familles confrontées au don d’organes. Ce scepticisme est dû à l’aspect non conventionnel de la mort, puisque le cœur bat et la peau est chaude. Penser que ce corps est mort n’est pas aisé. Pour ajouter à la difficulté de compréhension, deux concepts vont voir le jour : celui de la mort encéphalique: ’whole brain death’, adopté aux USA, en France et aujourd’hui par une majorité de pays, qui exige la destruction du cerveau et du tronc cérébral, et la mort du tronc cérébral : ‘brainstem death’, concept adopté au Royaume-Uni et en Inde, qui reconnaît à cette seule destruction (celle du tronc cérébral) le statut de mort. Ce qui est sûr, c’est que ces deux états sont des états de non-retour à la vie - personne n’en est jamais réchappé -, et que la respiration est abolie. Il faut donc une suppléance de la fonction respiratoire. Ces états conduisent toujours à court terme à l’arrêt de toutes les fonctions de l’organisme, quels que soient les moyens de réanimation mis en œuvre. Les différents pays, qu’ils aient adopté la mort encéphalique ou la mort du tronc cérébral, ont rapidement ressenti la nécessité de légiférer sur la validité médico-légale de ces morts, mais aussi sur les critères de définition, la finalité de ces critères étant de constater l’état irréversible du constat de la mort. Ce qui frappe, ce qui dérange, ce qui va alimenter la confusion, c’est que les critères retenus varient d’un pays à l’autre. Or là on ne peut pas invoquer des différences culturelles. On demande des faits scientifiques, aussi ces variétés de définition ne facilitent-elles ni la compréhension et, surtout, ni l’adhésion du grand public. Ainsi, dans certaines législations, la seule observation clinique suffira à établir le diagnostic de la mort, dans d’autres pays, on exigera un test ou un examen de confirmation pour valider le caractère irréversible de cette mort cérébrale. Je vous ai représenté là l’article du Monde qui est paru juste avant le fameux décret du 22/12/1996 qui régit la définition de la mort encéphalique en France. Cet article souligne la difficulté de la rédaction du décret définissant la mort encéphalique, et témoigne des avis divergents, qui au sein même du corps médical se sont exprimés sur un thème aussi sensible et d’une grande portée symbolique. L’article souligne aussi que ces dispositions s’inscrivent dans un paysage fort contrasté, qui voit l’opinion publique avoir à la fois confiance dans l’efficacité des équipes médicales et redouter ‘la rapacité de ces mêmes équipes’. La conclusion de cet article met l’accent sur le travail pédagogique à accomplir pour faire en sorte que soient mieux perçus les objectifs, les difficultés et les nécessités pratiques du corps médical. On voit bien que dans tous ces textes, dans tous ces besoins de législation, les peurs ont changé, les peurs se sont déplacées : la peur de l’inhumation prématurée a fait place à la peur des morts qui n’en seraient peut-être pas."

Eric évoque l'"ignorance des survivants". Ne faudrait-il pas, à la place, évoquer la peur des morts qui n'en seraient peut-être pas ? Auquel cas on devrait remplacer "Le Don, point d'interrogation" par "La mort, point d'interrogation". Cette peur, cette ignorance seraient-elles du côté des usagers de la santé uniquement ? Cela n'est pas certain. Le corps médical est rattrapé par cette peur, tant il est vrai que la vision que chacun se fait de la (sa) mort est intime, et ne peut se résumer à des données médicales et scientifiques. Petite illustration de ce qui précède : je vous propose de lire le témoignage d'un chirurgien confronté au prélèvement d'organes sur un adolescent "décédé" (lire).

La question n’est pas : est-ce que je veux donner ? La question est : à quelle mort est-ce que je crois ? Si pour moi la notion de mort implique la destruction du cerveau, du coeur et des poumons, je dois me rappeler qu’un patient en état de mort encéphalique est un patient à coeur battant, et qu'un patient en "arrêt cardio-respiratoire persistant" est certes en état de mort neuronale, mais avec les connaissances scientifiques actuelles, savoir à quel moment ce patient se trouvera en état de mort encéphalique avec certitude est impossible. Or depuis les lois de bioéthique (la dernière révision a eu lieu en 2004, la prochaine aura lieu en 2009), la mort équivaut à la mort encéphalique. Pouvoir décréter mort un patient "en arrêt cardio-respiratoire persistant", afin de procéder aux prélèvements d'organes "à coeur arrêté", alors que la mort encéphalique de ce patient n'est pas attestée, tout en ayant inscrit dans la loi la mort encéphalique comme définition de la mort, voilà qui est pour le moins troublant. A l'origine de ce trouble : un fait bien précis : le décret d'août 2005 rendant légale la reprise des prélèvements "à coeur arrêté" en France. Autre fait troublant : dans les articles scientifiques, la mort encéphalique est appelée "la mort invisible". Encore une fois : à quelle mort est-ce que je crois ? A quelle mort ai-je affaire lors des prélèvements d'organes sur donneurs dits "décédés" ? Ceux qui croient que donner ou ne pas donner, telle est la question à laquelle il faut savoir répondre pour dire si on est pour ou contre le don d'organes à sa mort, ceux-là se méprennent lourdement. Cette méprise peut avoir des conséquences dramatiques, du fait :
a) du consentement présumé inscrit dans la loi,
b) du fait de la reprise des prélèvements à coeur arrêté depuis 2006 en France (qui le sait, parmi les usagers de la santé ?), permettant d'augmenter la population de donneurs "décédés" : à partir d'une situation d'arrêt cardiaque, on peut devenir donneur d'organes
c) du fait de l'explosion du nombre de patients en attente de greffe (+77 pour cent entre 2005 et 2006, alors que l'activité des greffes a augmenté de 4 pour cent pour la même période).

La mort étant un processus continu et non un point, il n’est pas aisé de pouvoir déterminer avec précision le moment de la mort. Le don point d’interrogation est à remplacer par : la mort point d’interrogation, du fait même de la relativité des critères permettant de définir la mort. Les coordinateurs interrogent les familles confrontées au Don sur ... le don, car tous les chemins mènent à Rome : le don est consensuel. La mort est dissensuelle. Je cite à nouveau le Dr. Guy Freys ("On ne meurt qu'une fois, mais quand ?") :
"Déterminer le moment précis de la mort, affirmer avec certitude l’état de mort a toujours été une préoccupation et une difficulté de l’homme, avec la peur pendant des siècles de l’inhumation prématurée. 'Le jugement de l’homme est tellement incertain qu’il n’arrive pas même à définir la mort', disait Pline l’Ancien déjà au début de l’ère chrétienne".

La conclusion du Dr. Guy Freys, pour cette même présentation :
"Je terminerai par cette citation d’un philosophe français, Gabriel Marcel : ‘La mort était un mystère, elle est désormais un problème’. N’est-ce pas la manière la plus simple et la plus juste de rendre compte de la mort actuelle, dans les hôpitaux en particulier ? ‘Partout où passe la science’, ajoute-t-il, ‘s’accroit le risque qu’un mystère soit réduit à l’état de problème. Le problème est du côté de l’avoir, du vérifiable ; le mystère est du côté de l’être, de l’invérifiable. Tant qu’on reste dans la sphère du mystère, un geste peut être justifié. Quand on descend au niveau du problème, le mal est fait, quoi qu’il advienne ensuite.’ Alors, et c’est là ma conclusion, sachons garder un peu de mystère car je pense que ceci permet au mieux de respecter la représentation que chacun peut avoir de la mort."

Bien entendu, garder un peu de mystère ne signifie pas remplacer le problème de la mort par celui du don.

Mesdames et Messieurs les coordinateurs des services de transplantation, quand remplacerez-vous donc "Le Don point d'interrogation" par "la mort point d'interrogation" ? Si l'absolutisation de la question du Don doit rendre la question de la mort taboue, alors le Professeur Debré a eu raison d'écrire : "Il faut sortir des dogmes avec lesquels on jongle pour justifier les transplantations d'organes", tant il est vrai que les dogmes ont la peau dure.

Examinons à présent l'affirmation d'Eric :
"Je crois qu’à travers ce texte vous méprisez une liberté fondamentale de l’individu, son libre arbitre dans l’exercice de sa profession. La très grande majorité des coordonnateurs de prélèvements d’organes ( dont je fais partie) qui rencontre les proches des défunts suceptibles de donner leurs organes travaille en accord avec la loi de bioéthique de 2004. Il s’agit de rechercher la non-opposition du défunt au don d’organes et non de faire la promotion du don" :

Monsieur Alain Tesnière, écrit en réponse à Eric :
"Il me semble que vous mélangez deux moments. Le moment de la mission de l’Agence de la biomédecine et le moment où vous exercez votre travail. L’Agence doit promouvoir le don d’organes, grande cause nationale. Promouvoir, c’est encourager, favoriser, soutenir. Informer, c’est transmettre des connaissances objectives. L’Agence, pas plus que certaines associations, ne portent à la connaissance du public des informations objectives. Cette promotion étatique se transforme en propagande. Pourquoi ? Parce qu’elle trompe les Français en distribuant des cartes de donneurs. On peut légitimement penser que si on ne prend pas sa carte de donneur, on n’est pas donneur. Or une carte de donneur n’a pas de valeur juridique. Tous les Français sont donneurs d’organes potentiels selon le principe du consentement présumé établi par le sénateur Caillavet. La loi précise que le coordonnateur doit s’efforcer de connaître l’avis du mourant en demandant à ses proches (notion vague) si la personne plongée dans le coma et qui ne peut pas s’exprimer avait émis un avis contraire au principe du consentement présumé. C’est tout. Avec cette loi, il faudrait que vous m’expliquiez comment on arrive à cette 'pénurie de greffons', comme disent les préleveurs. Quand, dans votre commentaire, vous parlez de 'refus', vous faites allusion au refus de la famille, mais la famille n’a pas à exprimer son 'refus'. Vous devez recueillir auprès des proches l’opinion du mourant. S’il ne s’est jamais exprimé, la loi le considère comme donneur. Dura lex sed lex. Certains préleveurs considèrent qu’ils ne peuvent pas appliquer cette loi dans toute sa rigueur. Si cette loi est inapplicable, parce que inhumaine, c’est une mauvaise loi ! Il faut donc la changer."

Quelques explications :
Officiellement créée le 5 mai 2005 par décret dans le cadre de la loi de bioéthique du 6 août 2004, l’Agence de la Biomédecine prend le relais de l’Etablissement Français des Greffes. Son rôle, inscrit dans ses statuts et défini par la loi de bioéthique de 2004, est de promouvoir les dons et greffes d’organes. En même temps, elle centralise les actions de communication grand public, donc le discours officiel sur les transplantations, c’est-à-dire l’information faite aux usagers de la santé, cette fameuse information qui doit permettre le consentement (ou le refus) "éclairé" de tout un chacun sur la question du don d’organes. L’Agence de la biomédecine est donc un organisme bicéphale, responsable à la fois de la promotion des transplantations et du discours officiel sur le don et les greffes d’organes. Ceci pose problème, puisque promouvoir n’est pas informer... Entre promotion et information, l’Agence de la biomédecine peut-elle être le garant du consentement éclairé requis par la loi ?

Le discours public visant à informer se situe entre promotion et information, ce qui pose un problème d’éthique, au sens où ce discours ne s’affranchit jamais de la promotion. Ce problème a été exposé aux "Deuxièmes Journées Internationales d’Ethique de l’Université Louis Pasteur à Strasbourg" du 29 au 31 mars 2007, suite à la présentation de Mme Bayoumeu, de l’Agence de la biomédecine: "Mission d’information de l’Agence de la biomédecine".

Par ailleurs, je ne connais que trop bien la pression exercée sur les médecins et chirurgiens exprimant ou/et ayant exprimé des réticences quant au don d’organes (donneurs "morts"), au sein même du corps médical, car posant ou ayant posé la question du constat de décès des donneurs sur le plan de l'éthique. Lorsque j'ai entrepris la rédaction de ce weblog d'information sur l'éthique et les transplantations d'organes en 2005, un chef de service hospitalier m'a dit : "Vous avez du sang sur les mains". Jusqu'où faut-il aller pour ne pas décourager les bonnes volontés ? Il semblerait qu'on assiste, avec la question de l'éthique et des transplantations, à un affrontement ou conflit des valeurs, tel que le décrit Max Weber, le fondateur de l’école allemande de sociologie.

Eric parle de rechercher "la non-opposition du défunt". Cette phrase est doublement paradoxale :
Paradoxe 1 :
L’Agence de la biomédecine gère à la fois les cartes de donneurs d’organes (envoyées aux usagers de la santé sur simple demande), la liste nationale des patients inscrits en attente de greffe (pour la répartition des greffons) et le registre national des refus, sur lequel tout usager de la santé peut s’inscrire - du moins, devrait pouvoir s’inscrire s’il est contre le don de ses organes à sa mort, cela en théorie (car formulation très cynique : l’usager de la santé qui s’inscrit sur ce registre doit reconnaître s’opposer au progrès scientifique et thérapeutique. Il faut vraiment être un monstre pour s’inscrire sur ce registre, peu de gens l’ont d’ailleurs fait). Or demander sa carte de donneur d’organes ne sert à rien, puisque nous sommes tous réputés donneurs à-priori (consentement présumé). On serait presque tentés de dire que tous les chemins mènent au Don. Voir aussi le DEA d’ Amélie Joffrin (2001): "LES DIFFICULTES DE L’EMERGENCE D’UN DEBAT DEMOCRATIQUE SUR LA SANTE: LE CAS DU PRELEVEMENT D’ORGANES. ANALYSE JURIDIQUE"

L’information biaisée que reçoit l’usager de la santé ne permet pas le consentement éclairé. La loi de bioéthique de 2004, qui fait cohabiter consentement éclairé et consentement présumé constitue un "mariage infernal entre Kant et Sade", selon un universitaire spécialiste de Mauss (théorie du don).

Paradoxe 2 :
Les nombreux articles scientifiques américains et anglais, qui posent la question du constat de décès des donneurs d’organes "décédés" du point de vue de l’éthique, disent bien qu’il n’existe pas de consensus sur la définition de la mort (déterminer avec précision le moment de la mort), du point de vue médical et scientifique. Ce conflit n’est guère rassurant pour l’usager de la santé. Pis: ce conflit lui est caché, puisque la loi en France permet de dire que les donneurs d’organes en état de "mort encéphalique" ou en "arrêt cardio-respiratoire persistant" sont morts.
Ceci au mépris de deux constats :
a) En ce qui concerne la mort encéphalique :
Dr. Marc Andronikof, chef du service des urgences à l’hôpital Antoine-Béclère, Clamart (06/2007):

"Depuis peu en France [lois de bioéthique d’août 1996, révisées en 2004, ndlr], il y a une définition de la mort qui repose sur la mort encéphalique, autrement dit: quand il y a un coma tel que les gens ne pourront jamais revenir et qu’ils sont obligés d’avoir des machines pour respirer, pour tout, en fait, puisque le cerveau ne marche plus. Donc la définition de la mort en France repose sur une incompétence du cerveau, disons. J’ai été le premier je pense à m’élever, il y a 15 ans, contre cette définition de la mort puisque c’est extrêmement réducteur et finalement pas du tout réel puisque tout fonctionne sauf une partie du cerveau et là on dit que les gens sont morts. Mais c’est une pétition de principe, si vous voulez, mais c’est maintenant inscrit dans la loi en France, depuis quelques années. Ce qui est paradoxal, c’est que c’est inscrit dans la loi en France et en même temps, aux USA, en Grande-Bretagne, on se pose toutes ces questions qui sortent dans les articles en disant: ‘mais personne ne peut dire que ces gens-là sont morts !’ Donc c’est un paradoxe, on peut dire, une sorte de retard à l’allumage en France, où maintenant les gens sérieux et honnêtes ne peuvent pas dire que ces gens sont morts, mais il y a la pratique des transplantations, donc peut-être qu’on pourrait quand même les prélever puisque maintenant on ne peut rien faire pour eux. Mais ils ont bien compris qu’en fait personne ne peut dire qu’ils sont morts. En France, c’est inscrit dans la loi. Il faudra encore attendre un cycle, quelques années, pour qu’il y ait une prise de conscience en France"

b) En ce qui concerne les prélèvements "à coeur arrêté" (sur des donneurs en "arrêt cardio-respiratoire persistant"):
D’un côté, sur le plan légal, la mort équivaut à la mort encéphalique. De l’autre, dans le cas des prélèvements "à coeur arrêté", le diagnostic de la mort de la personne "repose sur le fait que son cœur a cessé irréversiblement de battre, et (...) aucun examen complémentaire n’est requis" (Dr. Marc Guerrier, espace éthique de l’AP-HP). La mort encéphalique n’est donc pas requise pour les prélèvements "à coeur arrêté". Le patient "en arrêt cardiaque et respiratoire persistant" devrait donc être déclaré mort lors du prélèvement de ses organes, et non avant, alors que la mort du cerveau n’est pas requise ni vérifiée. La mort neuronale n’équivaut pas à la mort cérébrale. Le diagnostic de mort dans le cas d’un patient candidat aux prélèvements "à cœur arrêté" fait donc l’objet de dissensions au sein de la communauté médicale et scientifique, tant en France qu’à l’échelle internationale.

Au vu des importantes disparités entre les pays, ces disparités reflétant les difficultés à déterminer le moment précis de la mort, il semblerait que les différentes tentatives visant à justifier les prélèvements d’organes sur donneurs "décédés" à l’aide d’une définition des critères de la mort d’un point de vue juridique n’aient pas abouti, dans le cas de la "mort encéphalique" comme dans le cas des patients "décédés présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant".

Avant de conclure, citons deux extraits de la littérature médicale :
1) "Les limites de la pratique des prélèvements sur donneur décédé" : sur le site de l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale), j’ai trouvé ce document, intitulé "Les limites de la pratique des prélèvements sur les personnes décédées" (2004). Auteur: Docteur Marie-Dominique Besse :

"Le consentement présumé pose problème car doivent se faire connaitre les personnes opposées au don d’organes: il existe le Registre National des Refus (’vous pouvez vous inscrire sur le registre national des refus’ et non ’vous devez vous inscrire.....’ ; ’le médecin doit s’efforcer de retrouver l’avis du patient’. Quel médecin ? Notion d’effort... Apparait la notion de famille difficilement définissable: qui comporte la famille ? La loi ne reconnait que les ascendants, les descendants, les collatéraux.... d’où le questionnement des équipes et leur grande difficulté éthique à demander ’aux familles’ une autorisation lors de la perte douloureuse d’un proche (alors qu’il faudrait les aider dans leur travail de deuil). Certaines familles, très affectées répondent immédiatement par la négative, et, culpabilisant, acceptent 24 ou 72 heures après....... D’autres ’veulent bien, mais le défunt ne voulait pas.’... Les limites anthropologiques: ’utiliser le corps humain et le restituer dans son intégrité’. Pour la famille, le corps est assimilé à la personne et souvent refuse le prélèvement du coeur (affectivité ) et des yeux (’je ne voudrais pas retrouver son regard’...)."

2) L'iconoclaste Dr. Martin Winckler : "Vices de l’euthanasie et vertus de la transplantation : une coïncidence ?" Don et prélèvements d’organes sont présentés par les services de transplantation comme étant louables et susceptibles de sauver des vies, mais ils taisent (ou feignent d’ignorer) que le médecin va choisir de maintenir en vie un patient ’en état de mort cérébrale’ afin de prélever ses organes. Maintenir un patient en vie artificielle pour lui retirer le coeur, les poumons, le foie ou les deux reins est une procédure qui n’est pas dénuée de sens symbolique, même si c’est pour tenter de prolonger la vie d’un autre patient.

Certes, la ’mort cérébrale’ est la condition légale préalable à tout prélèvement, mais elle ne donne pas pour autant, à elle seule, toute liberté au médecin de cesser ou de prolonger la réanimation de tous les patients sous machine... C’est la volonté clairement exprimée du patient qui détermine ces gestes.

On ne comprend pas bien pourquoi le maintien artificiel d’une vie pour les prélèvements d’organe serait justifié parce que le patient l’a autorisé, tandis que la mort accompagnée d’un patient lucidement fatigué de vivre et qui en émet le désir serait, en revanche, inacceptable. La volonté de mourir à une heure choisie par le médecin (en fonction des nécessités du prélèvement) ne serait-elle recevable que pour les donneurs d’organes en mort cérébrale ? La mise à disposition du corps ne serait-elle justifiable que par l’existence d’un ’bien supérieur’ ? On retrouve ici l’aversion séculaire des pays catholiques (même lorsqu’ils se déclarent laïcs) envers toute forme de mort volontaire.

Aux yeux du corps médical, la décision d’un patient sain qui choisit de faire un don d’organes a beaucoup plus de valeur que celle d’un patient gravement atteint qui désire ne pas continuer à vivre.

Aux yeux de l’Eglise catholique, les greffes d’organes sont acceptables ; la mort volontaire ne l’est pas.

Coïncidence ?"

Source: "Le paternalisme médical français interdit tout débat sur l’euthanasie", par Martin Winckler. Article mis en ligne le 13 mars 2007.

En conclusion :
Mesdames et Messieurs les coordinateurs, merci à l'avance
1.-) De ne pas mélanger promotion et information : l'Agence de biomédecine ne fait pas son travail d'information, puisqu'elle est là pour promouvoir le don d'organes, le service de transplantation au sein duquel vous travaillez est également encouragé par cette même Agence de la biomédecine à travailler à un accroissement de l'activité des transplantations (+ 4 pour cent entre 2005 et 2006)
2.-) De prendre conscience que respecter la loi de bioéthique de 2004, c'est respecter un certain nombre de paradoxes et bricolages (voir les développements sur les controverses à l'échelle internationale, concernant le constat de décès des donneurs "morts", et les développements sur le consentement présumé qui, clairement, pose des problèmes d'éthique). Dire à une personne qui s'interroge sur la fin de vie qu'ont ces donneurs que l'on dit "morts" : "Ils sont morts, c'est inscrit dans la loi" ne répond pas sur les interrogations concrètes du genre : "vais-je souffrir à mon décès si je consens au don de mes organes ?". La définition légale de la mort : cela fait froid dans le dos...
3.-) De relativiser le concept de "liberté", tel qu'il apparaît dans les propos d'Eric : la déontologie qui est à la base des transplantations d'organes est particulière, car elle ne permet pas la transparence de l'information. Cela pose un problème d'éthique. Ce problème est reconnu par des Sénateurs et par des députés de l'Assemblée Nationale, par le Centre d'Ethique Clinique du Groupe Hospitalier Cochin-Saint Vincent de Paul (AP-HP), qui joue un rôle de médiation éthique au coeur de l'hôpital, et par certains médecins qui expliquent eux-mêmes que la déontologie médicale qui préside au prélèvement d’organes sur donneurs "décédés" est particulière, et qu'elle est controversée dans le milieu médical lui-même, puisque "tout médecin est censé poursuivre le bien du seul patient qu’il a en charge" (Dr. Marc Andronikof, chef du service des urgences à l'hôpital Antoine-Béclère, Clamart, et auteur du livre "Médecin aux urgences", paru aux Editions du Rocher en 2005), et non pas sacrifier l’intérêt dudit patient à celui de la communauté (des patients en attente de greffe). Le médecin ou chirurgien acteur des transplantations se trouve donc pris dans un dilemme, opposant service à l’individu et service à la collectivivité. Il conviendrait d'inclure ce dilemme dans vos réflexions sur la liberté, et de reconnaître que la mesure de votre liberté est à l'aune des critères permettant de définir la mort, ces critères étant, j'y insiste, relatifs. Le Dr. Marc Guerrier écrit : "Comment les réanimateurs vivent-ils la dualité de leur mission lorsqu’ils assurent par tous les moyens une circulation sanguine d’abord sur une personne à qui ils espèrent redonner vie, puis sur le corps de la même personne au moment même où ils renoncent à cet espoir ? Doit-on craindre la survenue de conflit d’intérêt à cet égard ?" (Dr. Marc Guerrier, Adjoint au directeur de l’Espace éthique / AP-HP, Département de recherche en éthique Paris-Sud 11 : Les Prélèvements 'à coeur arrêté' : enjeux éthiques, 15 novembre 2006).
Le conflit des intérêts et le conflit des valeurs appellent tous deux des phrases du genre : "La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres", et la relativité des critères permettant de définir la mort appelle d'autres phrases du genre : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse", ou encore : "Dans le doute, on s'abstient" (voir le commentaire d'une lectrice de ce weblog en 2006 : "Si le constat de décès est controversé, et donc s'il y a doute, on devrait s'abstenir de tout prélèvement d'organes")
Certes, nous nous éloignons des dogmes du don - et de leurs satellites : la (non-)générosité.
4.-) De replacer "l’ignorance des survivants" (cette ignorance qui motiverait le refus des familles confrontées au don) dans son contexte : les survivants se trouvent face à un "mort" qui est entouré de soins en vue du prélèvement de ses organes. Ce mort va être anesthésié au préalable (tout cela sur quelqu'un dont on nous dit qu'il est mort !). L'ignorance des survivants se résume parfois à la perplexité devant le constat de mort. Ainsi, un usager de la santé a réagi au sujet de la mort encéphalique (décembre 2006) : "J'ignorais que les médecins pouvaient déclarer décédée une personne à coeur battant !". De quelle ignorance parle-t-on ici ? Ne s'agirait-il pas plutôt d'un déficit d'information ? Tous les usagers de la santé savent-ils qu'un donneur en état de mort encéphalique est "un mort à coeur battant", et qu'un donneur en "arrêt cardio-respiratoire persistant" est une personne dont le coeur a cessé de fonctionner, mais dont le cerveau n'est sans doute pas encore mort ? Est-il déraisonnable de penser que l'ignorance stigmatisée par Eric stigmatise surtout le manque de transparence et d'honnêteté dans le discours public sur le don d'organes ?

Le don point d’interrogation est à remplacer par : la mort point d’interrogation. Mais ce n'est pas pour demain. Hier comme aujourd'hui, tous les chemins mènent au Don : un exemple au hasard (juin 2007) :
"A l’occasion de la 7e Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, s’est rendue, le 22 juin, à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre pour y rencontrer professionnels et patients du service de la coordination des greffes. 'Le don d’organes [...] est un geste porteur de vie, un don de soi qui est un acte ultime et très fort de solidarité', a déclaré Roselyne Bachelot devant 150 spécialistes qui participaient au colloque 'Les prélèvements d’organes en vue de transplantation'.

En 2006, 4 421 greffes ont pu être réalisées grâce à 1 441 donneurs. Mais 229 patients sont décédés faute de greffons. Alors qu’une grande majorité de Français sont favorables au don d’organes, seulement 39 pour cent ont fait part de leur choix à leur entourage. Il est pourtant traumatisant de devoir prendre une décision à la place d’un proche décédé s’il n’est pas inscrit sur le registre national des refus tenu par l’Agence de biomédecine, et cette décision peut être en contradiction avec la volonté du défunt."

Un don qui peut sauver des vies
"Faire part de sa décision à ses proches et en témoigner grâce à une carte de donneur est 'un geste de pure humanité qui nous fait honneur', a souligné la ministre. Roselyne Bachelot a notamment annoncé qu’elle conduirait rapidement une réflexion sur le sujet."

(Source).
La réflexion dont il est question sera certainement centrée sur ... le Don. Mais permettra-t-elle de répondre à ce qui s'avère être un problème de société : comment concilier science et éthique ?

Un proche confronté au don d'organes revient sur le livre du Professeur Cabrol : "De tout coeur"


M. Alain Tesnière, le père de Christophe (voir l'"affaire d'Amiens" de 1992), auteur du livre intitulé "Les Yeux de Christophe" et publié aux Editions du Rocher en 1993, revient sur le dernier livre du Professeur Cabrol, ancien chirurgien cardio-vasculaire à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière et professeur de chirurgie à la faculté de médecine de Paris, actuellement membre de l'Académie de médecine. Ce livre, intitulé "De tout coeur", a été publié le 16/03/2006 aux Editions Odile Jacob. L’association ADICARE, Association pour le Développement et les Innovations en Cardiologie, a été créée par cinq cardiologues médecins, chirurgiens, réanimateurs de l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris, les professeurs Jean Pierre Bourdarias, Christian Cabrol, Iradj Gandjbakhch, Claude Gibert et Yves Grogogeat. Au cinquième étage de l'Institut de Cardiologie se trouve l'Association ADICARE présidée par le Professeur Christian CABROL : "Association pour le Développement et l'Innovation en Cardiologie", qui outre un auditorium permettant l'enseignement et des conférences avec toutes les facilités de télémédecine, dispose d'une bibliothèque, de salles d'enseignements et héberge l'INSERM MI 0214 : "Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale"



M. Alain Tesnière :
"Je recommande la lecture du livre de M. Cabrol 'De tout coeur' paru en mars 2006 aux éditions Odile Jacob. Ce livre résume toute la vie de M. Cabrol. Il avait deux amis - ils sont morts tous les deux - l'un s'est fait voler sa première mondiale par le second. Le premier va prendre sa revanche en réalisant une autre première mondiale. M. Cabrol ne sera que le premier en Europe, mais champion d'Europe, c'est déjà bien. M. Cabrol avait pourtant l'étoffe d'un champion de monde. Dommage !
M. Cabrol nous rappelle qu'il est un excellent technicien de la chirurgie cardiaque en nous distillant un cours d'anatomie.
Puis la moitié de son livre est consacrée à ses démarches pour créer l'Institut de Cardiologie. Le lecteur y apprend comment M. Cabrol est entré en politique. Le premier ministre, Jacques Chirac, a besoin de sa popularité pour devenir Président. M. Cabrol obéit et s'inscrit au comité de soutien du futur Président. Mais cela ne lui donne pas son Institut. Alors M. Cabrol va voir la gauche, il rencontre un autre Président. Mais rien pour l'institut parce qu'il a fait croire à Ségolène Royal qu'il était de gauche. Donc non. La popularité de M. Cabrol, tous les politiques la recherchent. M. Cabrol s'est donc fait berner par les politiques, il obtiendra son institut grâce à Mireille Darc qu'il opéra en 1980 à cœur ouvert et qu'il sauva ainsi de la mort. Illustration du contre don dont parle Mauss.
Cette longue narration est pitoyable : le mandarin n'a plus la même aura.
Dans un raccourci saisissant, il nous raconte la genèse de la loi Caillavet : 'le sénateur Caillavet, grand humaniste, considérant que tous les Français étaient généreux, les déclara par principe tous donneurs potentiels.
Mais, lui fit-on remarquer, si certains ne désirent pas donner ?
— Ah ! admit-il, nous sommes en République, donc chacun est libre de ses choix.
Aussi, ceux qui ne veulent pas être donneurs ont le droit de refuser. Mais ils doivent le faire savoir, sinon c'est qu'ils sont d'accord, selon l'adage populaire qui ne dit mot consent.
C'est le consentement présumé qui fit d'ailleurs couler beaucoup d'encre et de salive. [Un universitaire spécialiste de Mauss a justement qualifié la loi Caillavet, qui fait cohabiter consentement éclairé et consentement présumé, de "mariage infernal entre Kant et Sade", ndlr.].
Mais, monsieur le Sénateur, insista-t-on, bien entendu nul n'est censé ignorer la loi, mais nombre de nos concitoyens ne la connaissent pas et ne pensent pas à exprimer leur voeu à ce sujet. On ne peut donc pas brutalement déclarer à la famille du défunt que, puisque de son vivant ce dernier ne s'est pas opposé au don, on est autorisé à prélever ses organes.
— Eh bien ! dans ce cas, trancha le sénateur, on devra solliciter non pas l'autorisation, mais le témoignage de la famille sur un éventuel refus du défunt dont elle aurait connaissance.
Ce sont les termes mêmes de la loi de Bioéthique à une variante près, à savoir la possibilité pour chacun de s'inscrire s'il le veut sur un registre national des refus qui doit être obligatoirement consulté avant tout prélèvement d'organes.'
Là, on aurait aimé que le professeur se montre à la hauteur. Il manque quelques faits importants. Le parlementaire Cabrol sait parfaitement que la loi Caillavet ne se réduit pas à ces quelques lignes. M. Cabrol passe de la loi Caillavet aux lois dites de bioéthique trop rapidement. Il oublie qu'il fut Président de l'association France-Transplant. Il néglige de nous expliquer que par manque de transparence l'état créa à la place de France-Transplant 'le Comité de Transparence', puis 'L'Etablissement français des greffes', devenu 'l'Agence de biomédecine'.
Quand le Professeur Cabrol s'exprime sur la mort, cela donne des frissons. 'On ne peut pas prélever après une mort de maladie ou de vieillesse : les organes sont épuisés. Il est nécessaire de trouver un cœur sain, vigoureux, battant. Un coeur battant après la mort, cela paraît impossible. Sauf dans certaines circonstances où un seul des organes vitaux est détruit : le cerveau. C'est ainsi qu'en 1959, deux médecins réanimateurs français, Pierre Mollaret et Maurice Goulon, avaient signalé qu'à la suite de certains traumatismes crâniens très graves, la rupture d'un vaisseau dans le crâne ou encore un suicide d'une balle dans la tête, le cerveau subit des lésions irréversibles qui vont entraîner la mort sans, paradoxalement, que tous les autres organes cessent immédiatement de fonctionner. Dans ces cas, si l'on applique la respiration artificielle mécanique utilisée en anesthésie, celle-ci supplée aux muscles respiratoires paralysés par la mort du cerveau. Le coeur animé par son propre mécanisme continue de battre et pousse le sang dans les poumons. Grâce à la respiration, le sang s'oxygène et la circulation sanguine assure ainsi le passage d'un sang oxygéné dans tous les organes du corps. Sauf dans le cerveau, car les lésions cérébrales entraînent un œdème, c'est-à-dire une accumulation liquidienne dans le cerveau qui augmente son volume. Comme il est dans une boîte crânienne inextensible, aucune goutte de sang ne peut ni entrer ni sortir. Ainsi le cerveau est détruit et les organes continuent à fonctionner. Seulement pendant quelques heures, car un cerveau détruit ne peut plus diriger les mécanismes les plus intimes de l'organisme, telle la production des matériaux nutritifs, de sorte que les organes, peu à peu privés de ces matériaux indispensables pour leur survie, se détériorent et cessent de fonctionner. Mais ces quelques heures après la mort du cerveau, la mort cérébrale, où les organes fonctionnent encore, sont très précieuses car ce sont les seules où l'on peut prélever des organes pour les greffes sans priver le donneur d'une seconde de vie.'
Le Professeur Cabrol établit la décérébration ou le coma dépassé ou la mort cérébrale comme étant la mort. Il poursuit :
'En France des organes avaient déjà été prélevés pendant cet état de mort cérébrale. En 1958, à l'hôpital Foch, René Kuss avait obtenu l'accord de l'administration et des familles pour prélever les reins de personnes en mort cérébrale. En général il avait attendu l'arrêt du coeur.'
Donc ces prélèvements se sont faits avec le consentement explicite des familles soit à coeur battant soit à coeur non battant.
Continuons : 'En 1964, Jean Hamburger put prélever un rein sur une personne décédée de mort cérébrale, mais dont le coeur battait encore. Ces quelques prélèvements faits à coeur battant n'intéressaient cependant jamais le coeur lui-même. Pour régulariser les prélèvements dans ces conditions, François d'Allaines, pionnier de la chirurgie cardiaque en France, pose en 1966 à la plus haute autorité médicale de France, l'Académie de médecine, d'après une proposition de l'ordre des médecins, deux questions. La première : peut-on considérer la mort cérébrale comme la mort légale, c'est-à-dire celle qui permet d'établir un certificat de décès ? En effet grâce aux progrès de la réanimation, il est difficile de se fonder sur les anciens critères de la mort. L'arrêt respiratoire, grâce à la respiration artificielle, n'autorise plus cette conclusion. L'arrêt cardiaque non plus car on sait y remédier par un massage cardiaque. Seule la destruction du cerveau permet à un médecin de certifier la mort. Seconde question : dans cet état de mort cérébrale, peut-on prélever des organes encore fonctionnels en vue d'une greffe ?'
L'Académie de médecine finira par donner son accord.
Donc depuis 1966, la mort cérébrale est la mort. L'Académie de médecine rejette les anciens critères : plus question d'arrêt respiratoire, ni d'arrêt cardiaque.
Le sénateur Caillavet, dix ans plus tard, fera passer une loi qui dispense les médecins de demander l'accord de la famille. Tout est au mieux dans le meilleur des mondes !
Pourtant M. Cabrol nous rebat les oreilles avec la pénurie de greffons. Comment est-ce possible ? Les médecins ont tout l'arsenal juridique en leur faveur pour se fournir en organes sur les mourants.
On aimerait entendre M. Cabrol, désormais membre de l'Académie de médecine , s'exprimer sur le décret n° 2005-949 du 2 août 2005 article 1, paru au Journal Officiel du 6 août 2005, décret qui autorise le prélèvement d'organes en utilisant le consentement présumé de M. Caillavet sur des donneurs à coeur arrêté.
M. Cabrol, dans son livre 'De tout coeur', nous explique que l'arrêt cardiaque n'est plus un critère de la mort depuis 1966. Que sont devenus les travaux de Pierre Mollaret et Maurice Goulon ?
Il me semble que les Français souhaitent une explication sur ces contradictions. Le gouvernement français a des instances pour informer le public. Pourquoi l'Agence de biomédecine ne communique-t-elle pas sur cette question éthique ?"

Catherine Coste :
Je me permets d'expliciter le paradoxe dont vous parlez :
D'un côté, sur le plan légal, la mort équivaut à la mort encéphalique. De l'autre, dans le cas des prélèvements "à coeur arrêté", le diagnostic de la mort de la personne "repose sur le fait que son cœur a cessé irréversiblement de battre, et (...) aucun examen complémentaire n’est requis" (Dr. Marc Guerrier, Espace éthique de l'AP-HP). La mort encéphalique n'est donc pas requise. Le patient "en arrêt cardiaque et respiratoire persistant" devrait donc être déclaré mort lors du prélèvement de ses organes, et non avant, alors que la mort du cerveau n’est pas requise ni vérifiée. La mort neuronale n’équivaut pas à la mort cérébrale.

Le diagnostic de mort dans le cas d’un patient candidat aux prélèvements "à cœur arrêté" fait donc l’objet de dissensions au sein de la communauté médicale et scientifique, tant en France qu’à l’échelle internationale. Au vu des importantes disparités entre les pays, ces disparités reflétant les difficultés à déterminer le moment précis de la mort, il semblerait que les différentes tentatives visant à justifier les prélèvements d’organes sur donneurs "décédés" à l’aide d’une définition des critères de la mort d’un point de vue juridique n’aient pas abouti, dans le cas de la "mort encéphalique" comme dans le cas des patients "décédés présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant". En effet, il existe une controverse au sujet de la loi en France, qui fait équivaloir la mort avec une incompétence du cerveau (loi de bioéthique de 1996, revue en 2004): Dr. Marc Andronikof, chef du service des urgences à l'hôpital Antoine-Béclère, Clamart (06/2007) :

"Depuis peu en France [lois de bioéthique d’août 1996, révisées en 2004, ndlr], il y a une définition de la mort qui repose sur la mort encéphalique, autrement dit : quand il y a un coma tel que les gens ne pourront jamais revenir et qu’ils sont obligés d’avoir des machines pour respirer, pour tout, en fait, puisque le cerveau ne marche plus. Donc la définition de la mort en France repose sur une incompétence du cerveau, disons. J’ai été le premier je pense à m’élever, il y a 15 ans, contre cette définition de la mort puisque c’est extrêmement réducteur et finalement pas du tout réel puisque tout fonctionne sauf une partie du cerveau et là on dit que les gens sont morts. Mais c’est une pétition de principe, si vous voulez, mais c’est maintenant inscrit dans la loi en France, depuis quelques années. Ce qui est paradoxal, c’est que c’est inscrit dans la loi en France et en même temps, aux USA, en Grande-Bretagne, on se pose toutes ces questions qui sortent dans les articles en disant : ‘mais personne ne peut dire que ces gens-là sont morts !’ Donc c’est un paradoxe, on peut dire, une sorte de retard à l’allumage en France, où maintenant les gens sérieux et honnêtes ne peuvent pas dire que ces gens sont morts, mais il y a la pratique des transplantations, donc peut-être qu’on pourrait quand même les prélever puisque maintenant on ne peut rien faire pour eux. Mais ils ont bien compris qu’en fait personne ne peut dire qu’ils sont morts. En France, c’est inscrit dans la loi. Il faudra encore attendre un cycle, quelques années, pour qu’il y ait une prise de conscience en France."

En ce qui concerne les prélèvements "à coeur arrêté", nous avons vu que le constat de décès est basé sur l’arrêt des fonctions du coeur et des poumons, sans que soit vérifiée la destruction du cerveau (mort encéphalique). Dans le cas de la mort encéphalique, le cerveau est détruit, mais le coeur bat encore. Rappelons que la mort, dans son acception traditionnelle, se définit par la cessation irréversible des fonctions du coeur, des poumons et du cerveau. (Références)

"The ethics of donation and transplantation: are definitions of death being distorted for organ transplantation?"

En ce qui concerne la définition de la mort, la médecine n'est pas une science exacte. Quelles sont les conséquences de ce constat pour la pratique des transplantations d'organes ?
Un article scientifique explique les problèmes éthiques que pose, aujourd'hui encore, le constat de décès sur le plan de l'éthique dans le cas des prélèvements d'organes sur donneurs "décédés". Face à l'incapacité de la médecine à déterminer le moment précis de la mort, l'auteur de l'article appelle la société tout entière à débattre sur la pratique des prélèvements d'organes sur donneurs "décédés", c'est-à-dire : dont on prévoit le décès car ils sont engagés dans un processus de mort irréversible, que ces donneurs d'organes dits "décédés" soient en état de mort encéphalique ou en arrêt cardio-respiratoire persistant. Il est urgent que ce débat ait lieu : a-t-on le droit de prélever les organes de ces patients qui ne sont pas morts, mais dont la médecine peut prévoir le décès ? Confondre à dessein pronostic de mort et décès ne constitue pas une simple faute de méthodologie. Et s'il y avait violation du respect de la personne ? Un donneur "décédé" dont on prélève les organes est devenu un simple réservoir d'organes, ce n'est plus une personne. Le constat de décès (fiction juridique ?) effectué au préalable permet ce traitement. A la lumière de ces faits, la faute de méthodologie n'est ni innocente, ni anodine : elle permet d'obtenir des organes en instrumentalisant des personnes mourantes. La société ne doit pas ignorer cette pratique. Elle doit exprimer son consentement. Ou son refus. Faute de quoi le consentement éclairé inscrit dans la loi restera lettre morte, et le mariage voulu par la loi entre consentement éclairé et consentement présumé un infernal mariage entre Kant et Sade.

Résumé de l'article en anglais :
The ethics of donation and transplantation: are definitions of death being distorted for organ transplantation? Article by Ari R. Joffe, in: "Philosophy, Ethics, and Humanities in Medicine" 2007, 11/25/2007

"A recent commentary defends
1) the concept of 'brain arrest' to explain what brain death is, and
2) the concept that death occurs at 2-5 minutes after absent circulation. I suggest that both these claims are flawed. Brain arrest is said to threaten life, and lead to death by causing a secondary respiratory then cardiac arrest. It is further claimed that ventilation only interrupts this way that brain arrest leads to death. These statements imply that brain arrest is not death itself. Brain death is a devastating state that leads to death when intensive care, which replaces some of the brain's vital functions such as breathing, is withdrawn and circulation stops resulting in irreversible loss of integration of the organism. Circulatory death is said to occur at 2-5 minutes after absent circulation because, in the context of DCD*, the intent is to not attempt reversal of the absent circulation. No defense of this weak construal of irreversible loss of circulation is given. This means that patients in identical physiologic states are dead (in the DCD context) or alive (in the resuscitation context); the current state of death (at 2-5 minutes) is contingent on a future event (whether there will be resuscitation) suggesting backward causation; and the commonly used meaning of irreversible as 'not capable of being reversed' is abandoned. The literature supporting the claim that autoresuscitation does not occur in the context of no cardiopulmonary resuscitation is shown to be very limited. Several cases of autoresuscitation are summarized, suggesting that the claim that these cases are not applicable to the current debate may be premature. I suggest that brain dead and DCD donors are not dead; whether organs can be harvested before death from these patients whose prognosis is death should be debated urgently."

* Donation after Cardiac Death (en français : les prélèvements "à coeur arrêté", sur un patient "décédé en arrêt cardio-respiratoire persistant"). Aux USA, les prélèvements d'organes sur ces patients "à coeur arrêté" sont effectués suite à une décision d'arrêt des soins. En France, les prélèvements "à coeur arrêté" ne peuvent pas être effectués sur un patient pour lequel il y a eu d'abord une démarche d'arrêt des soins. De tels prélèvements ne peuvent avoir lieu que suite à un échec de la réanimation du patient. Dans ce cas, le constat de décès est prononcé au bout de 30 mn d'une tentative de réanimation qui a échouée. Le patient dont le décès a été constaté subit ensuite une réanimation qui vise à la conservation de ses organes, et non plus à le sauver.

==> The complete article is available as a provisional PDF(read).

Source:
Philosophy, Ethics, and Humanities in Medicine
http://www.peh-med.com/content/2/1/28

Les cellules souches et la médecine régénératrice

Le 20/11/2007 a été un grand jour pour les espoirs que représentent les cellules souches (pouvoir un jour réparer les organes sans avoir recours aux transplantations d’organes, en tout cas pour les petits organes): on peut désormais créer des cellules souches humaines pluripotentes (qui peuvent se transformer en différents organes, à condition d’être éduquées) à partir de cellules adultes, et non de cellules embryonnaires (ce qui posait des problèmes d’éthique). Quant au clonage (dit "transfert nucléaire" en terme savant, pour ménager l’opinion publique): cette piste est abandonnée: le père de Dolly, la brebis clonée, s’intéresse désormais aux cellules souches et non plus au clonage.

A l'avenir, on peut imaginer que le sang de cordon puisse être amené à prendre le relais des greffes de moelle. En tout cas, voilà qui va permettre d'augmenter les chances des patients en attente de greffe de moelle, puisque le don de sang de cordon peut désormais remplacer le don de greffe de moelle, avec les mêmes résultats pour le patient greffé. Une alternative de plus qui sera donc la bienvenue, pour les patients en attente de greffe de moelle et ne trouvant pas de donneur compatible. Précisons que plus de 20 tissus peuvent être recomposés à partir du sang de cordon. Quant à régénérer le cerveau, la route est encore longue... Les cellules souches de l’épiderme sont aussi très prometteuses : une cellule souche de l’épiderme est capable de refaire l’épiderme entier à elle seule ! Des chercheurs japonais et américains sont donc parvenus à créer des lignées de cellules souches proches des lignées de cellules souches embryonnaires à partir de cellules de peau humaine reprogrammées. "Ces cellules ressemblent beaucoup à des cellules souches embryonnaires. Elles ont pratiquement les mêmes propriétés", explique Axel Kahn, directeur de l’Institut Cochin. Ces cellules obtenues l’ont été en partie grâce à des rétrovirus, et sont cancérigènes. Mais il est possible de pouvoir se passer de la substance cancérigène et des rétrovirus, même si cela devra prendre encore un peu de temps. Dans la perspective de la médecine régénératrice, c’est une avancée importante. Le Professeur Axel Kahn estime néanmoins qu’il faut continuer la recherche sur les cellules souches embryonnaires et celle sur les cellules souches adultes "ne serait ce que parce qu’elles ne sont pas cancérigènes", explique-t-il. Les cellules souches de sang de cordon, de peau et du liquide amniotique contiennent un grand potentiel thérapeutique, sans poser de problèmes d’éthique, du moins pour le moment. Il va falloir développer les banques de sang de cordon (privées ? publiques ? mariage entre les deux ?) J’étais hier à un colloque au Sénat, sur le sujet des cellules souches, et posterai prochainement un compte-rendu de cette journée passionnante, où les dernières avancées ont été expliquées, dans le but de préparer la révision de la loi de bioéthique de 2004, prévue pour 2009. Le Sénat est déjà au travail, afin de bien cerner tous les aspects de la question : points de vue scientifique, légal, éthique, et, last but not least, financier: les différentes équipes de recherche sont en concurrence intellectuelle et financière.

Citations bioéthique

Arrêt des soins, prélèvements d'organes et "technicisation de l'agonie" (Dr. Marc Andronikof) :

"La nouvelle définition de la mort cérébrale est née en 1968 à la suite du progrès des techniques de réanimation (ventilation artificielle et réanimation cardio-pulmonaire) et du développement des pratiques de transplantation. 'Ce changement de législation a permis de résoudre le double problème que posait, d'une part la surcharge des lits occupés par des patients qui ne retrouveraient plus la conscience et, d'autre part, la demande croissante d'organes pour la transplantation. La définition de mort cérébrale permet d'annuler les obstacles auparavant légaux de deux pratiques désormais très courantes en fin de vie : les prélèvements d'organes et l'arrêt des soins', écrit David Rodriguez-Arias."
Emmanuelle Grand, Christian Hervé, Grégoire Moutel: "Les éléments du corps humain, la personne et la médecine", Editions de l'Harmattan, 2005.

Le clonage thérapeutique pour régler la question des greffes :
"(...) personne ne prend vraiment la peine d'expliquer au grand public que bien des cas aujourd'hui désespérés pourraient ne plus l'être si l'on autorisait les recherches sur le clonage humain ! Que cet enfant, ce parent, cet ami, que nous voyons s'éteindre, nous pourrions aussi bien le voir reprendre vie, pour peu que quelques vérités élémentaires s'imposent enfin...
La première de toutes est que le clonage reproductif, dont on ne discerne ni l'avenir ni l'utilité s'agissant de l'Homme - les dictatures et les fanatismes religieux ont-ils jamais eu besoin de cela pour créer, à leur convenance, des hordes fanatisées partant au supplice dans l'espoir d'un paradis ? - n'est pas le clonage thérapeutique. La seconde, c'est que ce dernier, et lui seul, peut un jour parvenir à régler totalement la question des greffes d'organes, matière à la fois compliquée, à cause des rejets, et douloureuse, en raison du manque chronique... d'organes à greffer ! (...) Tel est l'aspect fondamental de la recherche sur le clonage thérapeutique : achever de percer le mystère de la spécialisation cellulaire en apprenant à repérer, à identifier, à sérier, ces véritables 'anges gardiens', pour mieux les inciter, le cas échéant, à 'redémarrer' vers la construction d'un organe complet. Un organe parfaitement sain qui deviendrait le nôtre, et serait ainsi greffable sans danger ! De nombreuses personnalités scientifiques, dont quatre prix Nobel, réclament l'ouverture de ce champ de recherche inespéré. Pour l'instant sans succès. Alors que, dans le même temps, on réfléchit à autoriser l'euthanasie sur des personnes en fin de vie, malades certes, mais cependant bien vivantes! N'est ce pas ce qui s'appelle marcher sur la tête ?"
Professeur Bernard Debré : "Nous t'avons tant aimé. L'euthanasie, l'impossible loi". Editions du Cherche-Midi (Documents), 2004.

"Le décret d'application relatif à la recherche sur l'embryon et sur les cellules embryonnaires a été publiée le 6 février 2006. En juin 2006, six équipes de biologistes travaillant dans des structures publiques ont obtenu de l'Agence de la biomédecine l'autorisation de mener des recherches sur les cellules souches d'embryons humains. Sur ces six équipes, cinq sont de l'Inserm et de l'Institut Pasteur et travailleront sur des lignées de cellules souches embryonnaires importées. Pour la première fois, une équipe (codirigée par Marc Peschanski et Stéphane Viville) tentera sur le territoire national de créer à partir d'embryons humains des lignées de cellules souches."
Source :
http://www.admi.net/jo/20060207/SANP0524383D.html

L'activité des transplantations en quelques chiffres

Résultats préliminaires de l’activité de prélèvement et de greffe d’organes pour 2007 (chiffres au 20/02/2008) : lire

Explosion du nombre de patients en attente de greffe entre 2005 et 2006

En France, il y a entre 30 000 à 50 000 greffés en vie (chiffres de 1997)

En 2006, 12.411 patients attendaient une greffe. 229 patients seraient morts faute de greffon. 4.426 greffes ont été réalisées. 1.441 donneurs ont été prélevés. Toujours en 2006, 3.055 donneurs potentiels en état de mort encéphalique ont été recensés. 12 697 patients en attente de greffe au 31/12/2006.
(Source : Agence de la biomédecine / France ADOT)
Greffes réalisées en France en 2006 :
Coeur : 358
Poumons : 182
Bloc Coeur-poumons : 22
Foie : 1.037
Reins : 2.731 (y compris donneurs vivants).
(Source : Agence de la biomédecine).

Le site internet de France Adot communique les données suivantes :

"Les résultats préliminaires de l’activité de prélèvement et de greffe en France en 2006 s’inscrivent dans le prolongement des années précédentes : le taux de prélèvement n’a jamais été aussi élevé et il s’établit pour la première fois à environ 23 prélèvements par million d’habitants. 4.426 greffes ont été réalisées, et l’activité de greffe a augmenté de 38 pour cent depuis l’année 2000.

Malgré cette progression, la situation de pénurie persiste: en 2006, en France, 12.411 personnes ont eu besoin d’une greffe d’organes et 229 patients sont décédés faute de greffon. Chaque année, le nombre de personnes inscrites en liste d’attente est plus élevé (+ 4 pour cent en 2006) et le décalage entre le nombre de nouveaux inscrits (5 433 en 2006) et le nombre de greffes réalisées reste important."

Un taux de prélèvement de 23 par million d’habitants en 2006 :
"Le taux de prélèvement par million d’habitants (pmh) est de 23 pmh en 2006. 1.441 donneurs ont été prélevés contre 1.371 en 2005, soit une augmentation de 5,1 pour cent. Les accidents de la circulation diminuent de façon constante depuis cinq ans mais le nombre de prélèvements a pu progresser grâce à une amélioration et une augmentation du recensement des donneurs potentiels décédés d’un accident vasculaire cérébral. En 2006, 3.055 donneurs potentiels en état de mort encéphalique ont été recensés (contre 2.803 en 2005). Depuis quelques années, la moyenne d’âge des donneurs prélevés ne cesse de croître avec l’augmentation de la part du prélèvement des donneurs de plus de 50 ans, voire de plus de 65 ans (en 2006, les plus de 60 ans représente 28 pour cent des donneurs prélevés). Cette tendance s’observe particulièrement pour le rein et le foie."

L’activité de greffe d’organes continue sa progression avec 4.426 greffes en 2006 :
"L’activité de greffe a augmenté de 4 pour cent en 2006 avec 188 greffes supplémentaires réalisées par rapport à l’année passée. 4.426 greffes ont été réalisées en 2006 (contre 4.238 en 2005). La greffe rénale, qui représente 62 pour cent de la totalité des greffes, a enregistré une augmentation de 42 pour cent depuis 2000."

Entre 2005 et 2006, on constate une explosion du nombre de malades inscrits sur la liste des patients en attente de greffe :

"En 2006, 12.411 personnes ont eu besoin d’une greffe d’organe. En effet, le nombre de patients restant inscrits en liste d’attente au 31 décembre 2005 était de 6.978, auxquels se sont ajoutés 5.433 patients nouvellement inscrits sur la liste nationale d’attente au cours de l’année."
Source: Agence de la biomédecine ; site internet de France Adot:
==> http://www.france-adot.org/A149-hausse-de-l-activite-de-prelevement-et-de-greffe-en-2006.html

Le site de l'INSERM communique les chiffres suivants :
Survie :
"95 pour cent de survie à un an ; 55 à 60 pour cent de survie à 5 ans.
Coût : un insuffisant rénal = 100.000 Euros par an ; un greffé = 20.000 Euros par an.
Or, un rejet peut apparaître au bout de 5, 10, 15 ans, et le patient ne pas sortir de la liste des patients en attente de greffe ..."
Source :
"Les limites de la pratique des prélèvements sur les personnes décédées" (2004). Auteur : Docteur Marie-Dominique Besse (lire).

Patients "décédés"' donneurs d'organes : quelle fin de vie ?

L'acharnement thérapeutique existe-t-il ou n'existe-t-il pas sur les personnes qui font don de leurs organes à leur mort ? Petit résumé des cas de figure qui se présentent :

Le patient dont on va prélever les organes est :
1.-) soit maintenu en vie artificielle (l’agonie est donc prolongée, dans le "seul" but de récupérer les organes)

2.-) soit réanimé, également dans le "seul" but de récupérer les organes.

Deux états bien distincts permettent le prélèvement d'organes sur patients "décédés" : l'état de mort encéphalique, et celui d'un arrêt cardio-respiratoire persistant. Dans le cas de l'état de "mort encéphalique", le cerveau est détruit, mais le coeur continue à battre pour quelques heures ; dans le cas de patients "décédés en état d'arrêt cardio-respiratoire persistant", le coeur ne fonctionne plus, mais on ne sait pas avec certitude si le cerveau est détruit ou non.

1.-) Au sujet du premier cas de figure (maintien en vie artificielle) :
A-) Voir la réflexion du Dr. Martin Winckler, dans son article intitulé : "Le paternalisme médical français interdit tout débat sur l’euthanasie" (13/03/2007) : "Prélèvement d’organes et maintien médical légal d’un corps en vie artificielle" :

"Le prélèvement d’organes pose lui aussi une question éthique rarement
abordée avec la famille. La législation actuelle permet à toute personne qui le
désire d’autoriser le prélèvement de ses organes en cas de coma dépassé à
'électroencéphalogramme plat' (en état de mort cérébrale) fût-ce contre l’avis
de la famille. Il est donc possible, de son vivant, de donner par écrit aux
médecins l’autorisation de disposer de son corps à un moment où l’on ne sera
plus en mesure de prendre cette décision en toute lucidité.

Don et prélèvements d’organes sont présentés par les services de transplantation comme étant louables et susceptibles de sauver des vies, mais ils taisent (ou feignent d’ignorer) que le médecin va choisir de maintenir en vie un patient 'en état de mort cérébrale' afin de prélever ses organes. Maintenir un patient en vie
artificielle pour lui retirer le coeur, les poumons, le foie ou les deux reins
est une procédure qui n’est pas dénuée de sens symbolique, même si c’est pour
tenter de prolonger la vie d’un autre patient.

Certes, la 'mort cérébrale' est la condition légale préalable à tout prélèvement, mais elle ne donne pas pour autant, à elle seule, toute liberté au médecin de cesser ou de prolonger la réanimation de tous les patients sous machine... C’est la
volonté clairement exprimée du patient qui détermine ces gestes.

On ne comprend pas bien pourquoi le maintien artificiel d’une vie pour les
prélèvements d’organe serait justifié parce que le patient l’a autorisée,
tandis que la mort accompagnée d’un patient lucidement fatigué de vivre et
qui en émet le désir serait, en revanche, inacceptable.

La volonté de mourir à une heure choisie par le médecin (en fonction des nécessités du prélèvement) ne serait-elle recevable que pour les donneurs d’organes en
mort cérébrale ? La mise à disposition du corps ne serait-elle justifiable
que par l’existence d’un 'bien supérieur' ? On retrouve ici l’aversion
séculaire des pays catholiques (même lorsqu’ils se déclarent laïcs) envers
toute forme de mort volontaire.

Aux yeux du corps médical, la décision d’un patient sain qui choisit de
faire un don d’organes a beaucoup plus de valeur que celle d’un patient
gravement atteint qui désire ne pas continuer à vivre.

Aux yeux de l’Eglise catholique, les greffes d’organes sont
acceptables ; la mort volontaire ne l’est pas. Coïncidence ?"

(source : http://martinwinckler.com/article.php3?id_article=875)

B.-) Le premier cas de figure ne se présente pas dans le cas des prélèvements "à coeur arrêté", où il s'agit d'une personne en situation d'arrêt cardio-respiratoire persistant, et dont le décès a été prononcé, suite à l'échec des tentatives de réanimation visant à sauver cette personne.

2.-) Au sujet du deuxième cas de figure (patient réanimé dans le "seul" but de prélever des organes ou greffons viables):

A-) Le Professeur Louis Puybasset, Unité de NeuroAnesthésie-Réanimation, Département d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris, au sujet du problème de la réanimation des patients en état de mort encéphalique en vue du prélèvement de leurs organes (propos recueillis en septembre 2005):

« (...) cette réanimation est limitée dans le temps et (...) elle est douloureuse pour les soignants. Si nous faisons cela, ce n’est pas pour faire souffrir une famille mais pour sauver d’autres vies. (...) Des receveurs d’organes (...) doivent leur vie au dévouement de ces médecins, de ces infirmières et des familles de donneurs (...). Madame, vous-même ou un de vos proches sera peut-être un jour receveur. Je ne doute pas que cela changera alors votre vision de cette médecine qui est une des plus belle qui soit car elle donne véritablement la vie et exprime ce qu’est la solidarité humaine contre l’égoïsme et le repli sur soi."

B-) Dans le cas des prélèvements "à coeur arrêté", qui ont repris en France depuis 2006, il s’agit de personnes ayant fait un arrêt cardiaque, et qui vont être réanimées dans le but de récupérer les organes.

Rappelons les trois étapes qui mènent au prélèvement "à coeur arrêté", suite à une situation d’arrêt cardiaque :

a) La réanimation cardio-pulmonaire constitue la première étape. Elle doit être au moins de 30 minutes. Cette réanimation a pour but de sauver la vie du patient. Entre l’arrêt cardio-pulmonaire et le début de la réanimation cardio-pulmonaire, il ne faut pas que plus de 30 minutes s’écoulent.

b) Pendant cinq minutes, les tentatives de réanimation cardio-pulmonaire infructueuses, qui ont eu lieu durant 30 minutes, sont arrêtées. Ce court laps de temps, ces cinq minutes, permettent de constater le décès. Ces cinq minutes sans réanimation cardio-pulmonaire (RCP) sont nécessaires, afin de vérifier que sans réanimation, il n’y a pas de retour à une respiration spontanée. L’électrocardiogramme doit être plat ou agonique. Ce tracé agonique peut durer plusieurs heures. C’est au cours de ces cinq minutes que le certificat de décès va être signé.

c) Suite au constat de décès, une autre réanimation va être entreprise, cette fois-ci dans le but d’assurer la conservation des organes du patient "candidat" au prélèvement d’organes. Cette seconde réanimation est invasive. Le décret du 2 août 2005 autorise d’ailleurs les équipes médicales à mettre en place des moyens de préservation des organes en attendant l’entretien avec les proches. En d’autres termes : le corps médical a le droit de pratiquer ces mesures invasives qui ne sont plus dans l’intérêt du patient - et ce, avant l’entretien avec la famille afin de savoir si ce patient s’est positionné pour ou contre le don de ses organes à sa mort. On peut donc se poser la question:

"Quelles sont les conditions de respect du corps de la personne juste après
son décès lorsque l’on pratique sur lui des gestes techniques de nature invasive ? Comment les réanimateurs vivent-ils la dualité de leur mission lorsqu’ils
assurent par tous les moyens une circulation sanguine d’abord sur une personne à qui ils espèrent redonner vie, puis sur le corps de la même personne au moment même où ils renoncent à cet espoir ? Doit-on craindre la survenue de conflit d’intérêt à cet égard ?"

C’est ce qu’a fait le Dr. Marc Guerrier, Adjoint au directeur de l’Espace éthique / AP-HP, Département de recherche en éthique Paris-Sud 11, dans son article: "Les Prélèvements ’à coeur arrêté’: enjeux éthiques", 15 novembre 2006.

Rappelons que la loi Léonetti d'avril 2005, dite loi sur "la fin de vie", ne concerne pas la prise en charge des patients "candidats" au don d'organes à leur mort. Ces patients donneurs d'organes étant "soignés" pour leurs organes et non plus pour eux-mêmes ne sont plus considérés comme des personnes, alors que la loi Léonetti vise à défendre les intérêts des patients en fin de vie, afin qu'ils reçoivent les meilleurs soins possibles (pas d'acharnement thérapeutique). Prolonger un patient en vie artificielle et le faire mourir à une heure déterminée par l'équipe chirurgicale qui procédera au prélèvement des organes, ou encore réanimer un mort dans le but de récupérer ses organes ne peut pas être considéré comme relevant de la loi Léonetti. De telles pratiques se situent d'ailleurs à l'opposé de cette loi, mais poursuivent un bien dit "supérieur" : le recyclage d'un individu à l'autre afin de mettre des greffons à la disposition des patients en attente de greffe.

Donneur mort ; donneur vivant

Quelques précisions sur la distinction entre donneur mort et donneur vivant

1) Donneur "décédé":

Les donneurs morts sont des patients en état de mort encéphalique, le plus souvent suite à un AVC (accident vasculaire cérébral), moins souvent suite à un accident de la route. L’âge moyen des donneurs "décédés" ne cesse d’augmenter. La combinaison de la baisse des accidents de la route et des progrès des recherches scientifiques sur le cerveau risque de rendre la mort encéphalique de plus en plus rare, voire caduque. Il est évident que dès que les progrès de la médecine permettront de suppléer à l’incompétence du cerveau sur laquelle se fonde la définition de la mort encéphalique, il faudra revoir cette définition de la mort, qui depuis 1996 (loi de bioéthique de 1996, révisée en 2004) fait équivaloir la mort avec une incompétence du cerveau. Or on est déjà sur la voie de ces progrès scientifiques, et la loi de bioéthique doit être révisée en 2009 (le Sénat est déjà au travail).

Il existe depuis 2006 une autre situation qui permet le prélèvement d’organes : celle d’un patient "en arrêt cardio-respiratoire persistant". Le diagnostic de mort est établi sur le seul fait de l’arrêt cardiaque irréversible. Une telle situation permet les prélèvements "à coeur arrêté".

2) Donneur vivant :

Un donneur vivant est un parent ou proche d’un patient en attente de greffe, qui, lorsqu’il est compatible, peut donner un lobe de foie ou un rein afin d’aider son proche ou parent à guérir. Malgré la fait que la qualité des greffons provenant de donneurs vivants est souvent supérieure à celle des greffons provenant de donneurs "décédés", et donc permet, du moins statistiquement parlant, une plus grande durée de vie pour le patient greffé, le don d’organes à partir de donneurs vivants est encore très peu développé en France. Il arrive que des chirurgiens ne souhaitent pas opérer des donneurs vivants, car c’est une très lourde responsabilité (le patient est opéré alors qu’il n’a aucun problème de santé): certes le risque de complications graves pour le donneur est minime, mais il existe, et lorsqu’il survient, l’impact est immense. Ces mêmes chirurgiens préfèrent opérer un donneur "décédé". En Espagne, comme en France, le don d’organe à partir de donneur vivant est très peu développé. Certains pensent que l’augmentation de la population de donneurs vivants pourrait ouvrir la porte au trafic d’organes, et que de ce fait il vaut mieux favoriser le don d’organes à partir de donneurs décédés. La position au niveau de l’Europe est clairement de favoriser le don d’organes à partir de donneurs "décédés". Mais certains médecins pensent que la forme de don la plus viable, éthiquement parlant, est celle du don à partir de donneurs vivants. On a donc affaire à un "conflit des valeurs" (Max Weber): qui a raison, qui a tort, difficile de trancher dans l’absolu ... Néanmoins, la pénurie d’organes ne sera pas résolue par les seuls prélèvements à partir de donneurs "décédés" : d’après les chiffres indiqués sur le site de France ADOT, 6.978 patients étaient en attente de greffe en 2005 et 5.433 patients ont été nouvellement inscrits après le 31/12/2005. Il y aurait donc une augmentation de 77% du nombre de patients en attente de greffe, entre 2005 et 2006 !! Dans le même temps, "l’activité des greffes a augmenté de 4% en 2006" (toujours d’après les chiffres de France ADOT). Il y a donc eu une explosion du nombre de patients en attente de greffe. On voit bien que pour résoudre la question des greffes (la pénurie étant au centre de cette question), il y aura besoin de développer le don d’organes à partir de donneurs vivants, ainsi que les recherches sur les cellules souches. Ces recherches ont déjà permis de régénérer le foie de certains patients.

Quelques chiffres sur le don d’organes à partir de donneurs vivants en France: "Depuis 2005, l’Agence de la biomédecine a mis en place les comités d’experts 'donneurs vivants' prévus par la loi de bioéthique d’août 2004 chargés d’autoriser ces greffes lorsque les donneurs ne sont pas le père ou la mère du receveur. Le nombre de greffes de rein (donneur vivant) en 2006 s’élève à 246, soit 9 pour cent de la totalité des greffes rénales et 87 pour cent des greffes à partir de donneur vivant." (Source : Agence de la biomédecine, Conférence de Presse, 1er février 2006)

Dans les pays Nordiques, la greffe à partir de donneur vivant est beaucoup plus développée qu’en France, tandis que le nombre de greffes réalisées à partir de donneurs "décédés" est moins important, en comparaison de celles réalisées à partir de donneurs vivants dans ces pays. Les Etats-Unis pratiquent autant les greffes à partir de donneurs vivants que celles à partir de donneurs "décédés". L’Espagne est le pays d’Europe où il y a le plus grand nombre de donneurs "décédés", tandis que sont réalisées très peu de greffes à partir de donneurs vivants.